Maintenant, notre admiration pour Dante nous soutiendra-t-elle dans la tâche que nous avons entreprise ? aurons-nous le courage de le suivre dans son triple voyage, comme lui-même suivit Virgile ? de descendre avec lui aux enfers et de monter avec lui au ciel ? je ne sais : une pareille œuvre, c’est une vie ; et en supposant que Dieu nous ait donné la force, nous prêtera-t-il le temps ? Ni le désir ni la volonté ne nous manqueront certes, mais cependant nous ne nous engageons à rien ; car l’on ne doit promettre que ce que l’on peut tenir ; et c’est devant une pareille entreprise qu’il faut reconnaître sa faiblesse, et se contenter de dire : Je ferai le plus et le mieux que je pourrai.
J’atteignais la moitié du chemin de la vie[1],
Lorsque je m’aperçus que la route suivie
Me menait au travers d’une sombre forêt[2],
Où plus loin des sentiers chaque pas m’égarait :
Et maintenant pour moi c’est chose encor si dure
De me la rappeler, sauvage, triste, obscure,
Qu’à ce seul souvenir je reprends ma terreur,
Et qu’à peine la mort me fait pareille horreur.
Mais, avant de parler de la céleste joie,
Disons quels incidens surgirent sur ma voie.
- ↑ Dante avait effectivement trente-cinq ans, âge que l’on peut calculer comme étant à peu près la moitié de la vie humaine, lorsqu’il commença son poème dont les six ou sept premiers chants furent écrits à Florence pendant la dernière année du xiiie siècle et dans les deux premières du xive.
- ↑ Par cette forêt, les commentateurs de Dante prétendent qu’il a voulu désigner l’erreur humaine, et ils s’appuient sur ce que Dante, dans son Banquet (nel Convito), appelle l’erreur, la forêt trompeuse de cette vie.