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GUELFES ET GIBELINS.

La Gualdrada laissa retomber le rideau ; Buondelmonte fit un mouvement pour le retenir, elle lui arrêta la main.

— Voici la fiancée que je t’avais gardée solitaire et pure, lui dit-elle ; mais tu t’es hâté, Buondelmonte ; tu as offert ta main à une autre. C’est bien ; va, et sois heureux.

Buondelmonte interdit gardait le silence.

— Eh bien ! continua la Gualdrada, oublies-tu que la belle Lucrecia t’attend ?

— Écoute, dit Buondelmonte en lui prenant la main ; si je renonçais à cette alliance, si je rompais les engagemens pris, si j’offrais d’épouser ta fille, me la donnerais-tu ?

— Et quelle serait la mère assez vaine ou assez insensée pour refuser l’alliance du seigneur de Monte-Buono ?…

Alors Buondelmonte leva la portière, s’agenouilla près du lit de la belle jeune fille, dont il prit la main ; et comme la dormeuse entr’ouvrait les yeux : — Réveillez-vous, ma belle fiancée, lui dit-il ; et vous, ma mère, envoyez chercher le prêtre, tandis que j’attacherai au front de votre fille la couronne d’oranger.

Le même jour Buondelmonte épousa Luisa Gualdrada, de la maison des Donati.

Le lendemain le bruit de ce mariage se répandit. Les Amadei doutèrent quelque temps de l’outrage qui leur avait été fait ; mais un moment vint où ils n’en purent plus douter. Alors ils convoquèrent leurs parens, les Uberti, les Fifanti, les Lamberti et les Guadalandi, et leur exposèrent la cause de cette réunion. Mosca, au récit de l’insulte commune, s’écria avec l’énergie et la concision de la vengeance : Cosa fatt’ capo ha[1]. Tous ceux qui étaient présens répétèrent ce cri, et la mort de Buondelmonte fut unanimement résolue.

Le matin de Pâques, Buondelmonte venait de traverser le vieux pont et descendait Longo l’Arno ; plusieurs hommes, à cheval comme lui, débouchèrent de la rue de la Trinité, et marchèrent à sa rencontre. Arrivés à une certaine distance, ils se séparèrent en deux troupes, afin de l’attaquer des deux côtés. Buondelmonte les reconnut ; mais, soit confiance dans leur loyauté, ou dans son courage, il continua son chemin sans donner aucune marque

  1. Tout commencement emporte sa fin.