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fier la démocratie du moyen-âge, suivit l’exemple d’Alexandre ; mais encore trois ans à peine s’étaient écoulés depuis son exaltation, que, jetant les yeux sur l’Europe, et voyant le peuple poindre partout comme les blés en avril, il avait compris que c’était à lui, successeur de saint Pierre, de recueillir cette moisson de liberté qu’avait semée la parole du Christ. Dès 1076, il publia une décrétale qui défendait à ses successeurs de soumettre leur nomination à la puissance temporelle ; — dès-lors la chaire pontificale se trouva placée au même étage que le trône de l’empereur, et le peuple eut son César.

Cependant Henri iv n’était pas plus de caractère à renoncer à ses droits que Grégoire vii n’était d’esprit à s’y soumettre. Il répondit à la décrétale par un rescrit ; son ambassadeur vint en son nom à Rome ordonner au souverain pontife de déposer la tiare, et aux cardinaux de se rendre à sa cour, afin de désigner un autre pape ; la lance avait rencontré le bouclier, le fer avait repoussé le fer.

Grégoire vii répondit en excommuniant l’empereur.

À la nouvelle de cette mesure, les princes allemands se rassemblèrent à Terbourg, et comme l’empereur, emporté par la colère, avait dépassé ses droits, qui s’étendaient à l’investiture et non à la nomination, ils le menacèrent de le déposer, en vertu du même pouvoir qui l’avait élu, si, dans le terme d’une année, il ne s’était pas réconcilié avec le saint-siége.

Henri fut forcé de céder ; il apparut en suppliant au sommet de ces Alpes qu’il avait menacé de franchir en vainqueur, et, par un hiver rigoureux, il traversa l’Italie pour aller à genoux et pieds nus demander au pape l’absolution de sa faute. Asti, Milan, Pavie, Crémone et Lodi le virent ainsi passer, et fortes de sa faiblesse, elles saisirent le prétexte de son excommunication pour se délier de leur serment. De son côté, Henri iv, craignant d’irriter le pape, ne tenta même point de les faire rentrer sous son obéissance et ratifia leur liberté ; ratification dont elles auraient, à la rigueur, pu se passer, comme le pape de l’investiture ; ce fut de cette division entre le saint-siége et l’empereur, entre le peuple et la féodalité, que se formèrent les factions guelfe et gibeline.

Pendant ce temps, et comme pour préparer la liberté de Florence, Godefroy de Lorraine, marquis de Toscane, et Béatrix, sa femme,