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REVUE. — CHRONIQUE.

férer après un tel préambule. D’un autre côté, M. Dupin semblait croire que le refus des trois pairs que nous avons désignés, tenait à une sorte de coalition et d’intrigue secrète ; il paraissait tirer quelque induction de l’absence de M. Molé, qui s’était dispensé d’assister à un dîner diplomatique donné le 9 par M. Dupin et où s’était rendu M. de Broglie ; mais l’honorable président de la chambre était, à coup sûr, mal informé, et ses défiances, bien légitimes en certains cas, étaient poussées trop loin dans celui-ci.

Le soir, il y eut réception à l’hôtel de la présidence de la chambre des députés. Les grands salons du palais Bourbon, encombrés de députés et de fonctionnaires, offraient un aspect animé. M. de Montalivet, qui se présenta dans cette réunion, y parla avec véhémence aux députés qui l’invitaient à accepter le ministère de l’intérieur, et à donner à ses collègues de la chambre des pairs l’exemple d’une bonne résolution. Il répondit qu’il n’était pas assez assuré de la majorité, et se tournant vers quelques journalistes qui se trouvaient là, il ajouta que la presse ne l’avait pas traité avec assez de faveur pour qu’il vînt bénévolement s’offrir à ses attaques. Nous devons signaler cette sorte de déférence craintive de M. de Montalivet, qui veut bien compter pour quelque chose cette presse pour laquelle M. Thiers professe tant de mépris. Pour M. Dupin, il avait renoncé à s’occuper désormais d’un ministère, et il exprimait hautement le désir de conserver la présidence de la chambre, d’où il eût consenti à descendre, disait-il, si la nécessité de se rendre utile au pays, lui eût commandé de prendre un portefeuille dans une nouvelle combinaison,

M. Molé, qui semble n’avoir pas décliné la mission de finir tous ces embarras, en reviendra peut-être à son idée favorite, qui est de former un cabinet dont il ne ferait pas partie. Le maréchal Soult, qu’on attend de jour en jour, sera-t-il le pivot de cette combinaison ? c’est ce que nous ne saurions dire. Il se peut que les offres de M. Molé, jointes aux instances du roi, finissent par entraîner M. de Montalivet. M. Passy et M. Sauzet, que M. Dupin a déliés de tout engagement avec lui, consentiraient sans doute à faire partie de ce ministère, où l’on ne désespère pas de placer M. Humann. M. Humann revient de bien loin.

Quant à M. Thiers, qui s’était déjà mis en rivalité avec M. Guizot pour la présidence de la chambre, à laquelle ils aspiraient tous les deux, il y a lieu de croire qu’on parviendra facilement à vaincre ses répugnances, et qu’il ne se regardera ni comme déshonoré ni comme en péril en acceptant le ministère des affaires étrangères, où le porte M. de Talleyrand. Personne n’est meilleur juge que M. de Talleyrand de la capacité d’un ministre des affaires étrangères, et nous consentons volontiers à reconnaître l’aptitude de M. Thiers en ceci ; mais nous ne pouvons nous em-