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formelle. En se reportant aux listes que nous avons citées, on verra que cette conversation, très vague, donna l’idée d’un ministère où figuraient le maréchal Gérard, M. de Montalivet et M. Villemain, ainsi, que M. Bresson, notre ambassadeur à Berlin, qui se trouve à Paris en ce moment. Une visite du matin, faite par M. Dupin au maréchal Gérard, qui refusa de parler de politique avec lui, fit sans doute prononcer le nom de ce dernier. De son côté, M. Villemain, causant avec quelques-uns de ses collègues de la chambre, qui lui parlaient du bruit du jour, répondait qu’il n’entrerait pas dans un ministère sans quelques membres de la chambre des pairs, et M. de Montalivet résistait avec une opiniâtreté nerveuse aux deux cens personnes qui l’assiégeaient, dans son hôtel, dès sept heures du matin. Ce même jour, M. Thiers et M. Dupin dînèrent chez M. de Montalivet, et firent quelques tentatives pour le décider à entrer au ministère de l’intérieur. Quelle était la pensée de M. Thiers ? on l’ignore. Toujours est-il que M. de Montalivet refusa.

Toutefois le 10, on désignait encore M. de Montalivet comme ministre de l’intérieur. On nommait M. de Flahaut comme successeur de M. de Broglie ; et M. de Talleyrand prit la peine de venir apporter lui-même cette nouvelle à M. de Broglie, qui n’avait pas quitté le ministère des affaires étrangères où il est encore, et qui recevait, le soir, tranquillement, dans le salon de la duchesse. Le 14 fut une grande journée pour tous ceux qui aspirent, soit à entrer dans le ministère, soit à y rester. Le matin, M. Dupin fut mandé chez le roi avec ses deux amis. Le message du président Jackson avait jeté quelque consternation dans la chambre. Le roi proposa à M. Dupin, de former un cabinet. Ce fut la première proposition de ce genre qui lui fut faite par le roi. Jusque-là tout s’était passé en conversation, d’une part très respectueuse, et de l’autre très civile. M. Dupin, qui avait connaissance des dispositions du maréchal Gérard, de M. Molé et de M. de Montalivet, répondit qu’il ne pouvait accepter cette mission, mais qu’il apportait, avec ses deux collègues, le contingent de la chambre des députés, et que c’était à la chambre des pairs à fournir le sien. Le roi, releva, dit-on, en deux mots, l’inexactitude de cette théorie. Il ne s’agissait pas de former un ministère mi-parti de pairs et mi-parti de députés, mais de charger M. Dupin seul de composer un cabinet. M. Dupin refusa. Pareille offre fut faite alternativement à M. Sauzet et à M. Passy ; tous deux refusèrent également. On assure que quelques propos de ville furent relevés dans cette entrevue, et qu’il fut question de mander le baron Fain pour écrire la conversation qui avait lieu, afin que le compte qu’on en rendrait fût fidèle ; mais nous n’accueillerons pas ce bruit. Une pareille défiance eût été un triste début pour un ministère, et il eût été même inutile de con-