Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 5.djvu/455

Cette page a été validée par deux contributeurs.
451
DU BONHEUR.

Alors le Christianisme vint. Il fit un mélange du Platonisme et du Stoïcisme. Il adopta la métaphysique de Platon et l’éthique de Zénon. Ce n’est pas ici le lieu d’expliquer comment se fit ce mélange, comment cette alliance fut nécessaire, utile, providentielle : il nous suffit que le fait soit incontestable.

Comme les stoïciens, les chrétiens repoussèrent la nature et la vie ; comme eux, ils se crurent jetés dans le monde pour supporter et s’abstenir. Mais tandis que les stoïciens trouvaient leur refuge en eux-mêmes, les chrétiens ayant réalisé ce Verbe dont Platon avait cherché dans la nature les rayons disséminés, s’inclinèrent devant ce Verbe divinisé. Alors non-seulement la nature, mais l’homme disparut ; la Grace se substitua partout. Les stoïciens avaient déjà substitué la vertu humaine à la nature ; les chrétiens substituèrent l’action divine à la vertu de l’homme. Ainsi la Nature fut complètement abolie, abolie devant l’homme, abolie dans l’homme.

Mais vainement l’ancienne civilisation, vainement les Barbares consentirent à ce sacrifice complet de la nature. L’anathème porté contre elle par le christianisme était exagéré et faux : la sentence n’a pas tenu. La nature et la vie ont périmé l’arrêt du christianisme, et alors on a vu reparaître la doctrine d’Épicure.

Aujourd’hui le combat est entre l’Épicuréisme, qui tantôt se revêt du nom de déisme, tantôt se déclare athée et matérialiste, et un Christianisme dégénéré, qui n’ose plus réprouver la nature et la vie, et cherche honteusement à s’arranger de la terre.

§ viii. — Du souverain bien.

Nous venons de voir que toute la Philosophie grecque et le Christianisme à sa suite furent une déduction de la question du bonheur, ou, comme disaient les anciens, du bien suprême, du souverain bien.

Voltaire, qui vint au monde pour critiquer toute la tradition antérieure du genre humain, ne comprit rien à cette dénomination de

    tionné la dialectique, il a organisé la logique, il a ouvert largement toutes les routes de la science ; il a été aussi grandement créateur qu’il est donné à un homme de l’être. Mais sur la question qui nous occupe, il n’a pris aucune attitude décisive. Quoi qu’on ait pu dire, Aristote, ne s’étant pas séparé de son maître Platon sur le point essentiel, a pu avec raison être rattaché à Platon par les platoniciens.