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SIMON.

n’est pas non plus la malice, le déchaînement, la haine, la jalousie, le mépris ; ce n’est aucune de ces passions violentes qui ont induit M. de Fougères à faire un aussi sanglant affront à Me Simon Parquet et à mon client…, je veux dire à Me Simon Féline. Non, messieurs, M. de Fougères est un homme recommandable à tous égards, exempt de passions mauvaises, incapable de méchans procédés,…

— Allons, mon bon monsieur Parquet, dit le comte d’un ton caressant, espérant faire abandonner à son terrible antagoniste ce plaidoyer impitoyable, dans lequel il se trouvait, par une étrange inadvertance de l’orateur, jouer à la fois le rôle du tribunal et celui de l’accusé. Au fait ! mon cher ami, que me reprochez-vous donc ? Quelles méfiances me prêtez-vous ? Pourquoi n’avez-vous pas compris que le hasard, l’éloignement, des considérations particulières envers un avocat respectable, ancien ami de la famille de ma femme, le désir de ma femme elle-même, tout cela réuni, et rien autre chose que cela pourtant, m’a inspiré la malheureuse idée de charger M. *** de plaider pour moi ?

— Ah ! malheureuse est l’idée, certainement ! s’écria M. Parquet en se barbouillant la face de tabac. Trois fois malheureuse est l’idée qui vous a conduit à cette démarche ! C’est un impasse, monsieur le comte, il faut y rester, et attendre que la muraille tombe ! M. *** plaidant contre Simon Féline, voyez-vous, c’est la tentative la plus étrange, la plus folle, la plus déplorable, la plus désespérée, que la démence ou la fatalité puisse inspirer. Où diable aviez-vous l’esprit ? Pardon, si je jure ! l’intérêt que je porte au succès d’une affaire qui m’est confiée me fait regarder avec douleur l’avenir et le dénouement de celle-ci.

— Eh ! mon Dieu ! M. Féline plaide donc décidément contre moi ? On l’en a donc prié ? il y a donc consenti ? il s’y est donc engagé ? c’est donc irrévocable ? Ah ! monsieur Parquet, il n’eût tenu qu’à vous, il ne tiendrait peut-être qu’à vous encore, de l’empêcher de prendre part à cette lutte. Sur mon honneur, je vous jure que, s’il en était temps encore, si je ne craignais de faire un outrage à l’avocat distingué que j’ai eu l’imprudence, la maladresse de lui préférer, j’irais supplier M. Féline d’être mon défenseur. Ne le pouvant pas, ne puis-je espérer du moins qu’en raison de toutes les considérations que j’ai fait valoir tout-à-l’heure, il ne prendra pas parti contre