Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 5.djvu/399

Cette page a été validée par deux contributeurs.
395
SIMON.

là, ma honte ! ôte-toi de là, mon crime ? Hélas ! je n’ai jamais fait de mal à personne, et tout ce que j’aime me repousse, tout ce que j’aime meurt dans les convulsions, en me disant que c’est moi qui suis le péché et la mort !

En parlant ainsi, elle se laissa tomber des bras de Simon sur la pierre couverte de mousse ; et, cachant son visage sous les tresses éparses de ses cheveux noirs, elle éclata en sanglots. Pleurer était une chose aussi rare que violente pour Fiamma.

Simon sortit comme d’un profond sommeil, en entendant les accens de douleur de cette voix chérie ; sans comprendre ce qu’elle disait, il l’écouta ; il la vit par terre, abîmée dans ses larmes, couverte de la pluie glacée du matin. Il jeta un cri de surprise, et, la saisissant dans ses bras, il la pressa contre son cœur, en l’appelant des plus doux noms, et en réchauffant de baisers sa belle chevelure et ses mains humides. Peu à peu ils se reconnurent, et, revenus à eux-mêmes, ils n’eurent pas la force de détacher leurs bras enlacés et leurs lèvres unies ; ils se dirent tout ce que, depuis cinq ans, ils renfermaient dans leur ame avec l’héroïsme de la vertu. Fiamma savait bien tout ce que Simon avait souffert, mais tout ce qu’elle lui apprit était si nouveau pour lui, qu’il faillit mourir de joie.

— Comment n’en étais-tu pas sûr ? lui dit-elle ; comment n’as-tu pas vu dans toute ma conduite que, malgré le peu d’espoir que je m’étais permis, tous mes désirs, tous mes efforts, ont tendu à t’élever jusqu’à moi, et à me conserver pour toi ? Hélas ! qu’est-ce que je fais aujourd’hui qu’il y a encore tant d’obstacles, et pourquoi ai-je la confiance de te dévoiler les secrets de mon ame, moi pour qui les épanchemens ont toujours été des crimes, et qui en commets sans doute un à l’heure qu’il est, en te donnant des espérances que je ne pourrai peut-être pas réaliser !

— Ô ma sœur ! ô ma femme ! s’écria Simon, ne parle pas d’obstacles. Dis-moi que tu m’aimes, dis-moi que c’est de l’amour que tu as pour moi depuis cinq ans… Non, ne dis pis cela, je ne le mérite pas ; dis que c’est de l’amour que tu as maintenant. C’est encore un bonheur et une gloire à rendre le ciel jaloux. Dis-moi que tu savais que je t’aimais et que tu le voulais, et que tu ne m’as ni oublié, ni déshérité de ta tendresse, et laisse-moi faire le reste. Quoi que ce soit au monde, je lèverai cet obstacle comme une paille. Est-il quelque chose d’impossible à un amour pareil au mien.