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confondre sur une foule de points, et désormais rien de ce qui importait à l’un ne pouvait rester étranger à l’autre. On avait eu déjà une preuve non équivoque de cette communauté de sentimens, dans la vive sympathie qui, en 1830, se manifesta sur tous les points de l’empire britannique, à l’occasion de notre révolution ; on en eut plus tard une autre de la part de la France, dans l’empressement qu’elle mit, au milieu des circonstances critiques où elle se trouvait, à suivre les progrès de la réforme électorale.

Il devait être fort difficile pour la plupart des lecteurs français de prendre à ce sujet quelques notions un peu précises dans les maigres extraits des débats parlementaires que donnaient les feuilles quotidiennes. Chargé à cette époque d’analyser pour un de nos journaux les séances de la chambre des communes, je vis bientôt que, lors même qu’ont eût pu reproduire les discussions avec toute l’étendue qu’elles avaient dans les journaux anglais, il aurait été à peu près impossible, à ceux qui ne connaissaient pas d’avance l’ancien ordre de choses, de se faire une idée de l’importance des changemens demandés. Comme, depuis quelques années, beaucoup de nos jeunes publicistes avaient fait une sérieuse étude de la constitution anglaise, je ne doutais pas qu’ils ne s’empressassent de nous aider de leurs lumières, et je supposais seulement qu’ils attendaient, pour le faire, la clôture des débats, ou la sanction de l’acte ; toute ma crainte était que le désir d’arriver des premiers ne les fit courir un peu légèrement sur la matière. Mon inquiétude était bien peu fondée ; la plupart de ces hommes avaient, depuis deux ans, quitté la partie spéculative pour la partie active de la politique ; l’un était préfet, l’autre conseiller d’état, aucun d’eux ne songeait à écrire. Bref, l’acte de réforme date du mois de juin 1832, et c’est seulement en 1836 que nous avons vu paraître en France un ouvrage dans lequel l’ancien et le nouveau système électoral anglais se trouvent mis en présence. L’auteur est M. Jollivet, membre de la chambre des députés, avocat à la cour royale de Paris.

C’est toujours, pour un auteur, une circonstance défavorable que d’écrire sur un sujet auquel beaucoup de gens ont songé d’avance. Chaque lecteur a son plan fait et est disposé à traiter sévèrement tout ce qui s’en écarte, soit en plus soit en moins. Quoique j’aie eu souvent occasion de blâmer chez les autres cette injustice, je reconnais qu’il est très difficile de s’en garantir ; afin de n’y pas tomber à mon tour, je ne chercherai point si l’ouvrage de M. Jollivet aurait pu être conçu autrement : je me contenterai de l’examiner tel qu’il est ; et d’abord je dirai quelle est la division qu’il a adoptée.

La première partie du livre est relative au système électoral tel qu’il