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et de ridicules chimères. On y voit une fontaine qui s’emplit tous les ans d’un or liquide ; on y puise avec des cruches de terre, parce que l’or venant à se durcir, il est nécessaire de les briser pour l’en tirer. On y trouve un monstre, la Mastichore, qui a la face de l’homme, la grandeur du lion, et la peau rouge comme le cinabre. Enfin voici une bien merveilleuse histoire : Dans les montagnes de l’Inde ; où croissent les roseaux, il y a une nation d’environ trente mille ames, dont les femmes n’enfantent qu’une fois en leur vie. Leurs enfans naissent avec de très belles dents dans les deux mâchoires. Les mâles et les femelles ont dès leur naissance les cheveux blancs, ainsi que les sourcils. Jusqu’à l’âge de trente ans, ils ont le poil blanc par tout le corps ; mais à cet âge ils commencent à noircir, et lorsque ces hommes sont parvenus à soixante ans, leurs cheveux sont entièrement noirs. Les mêmes ont, hommes et femmes, huit doigts à chaque main et autant à chaque pied. Ils sont très belliqueux, et il y en a toujours cinq mille, tant archers que lanceurs de javelots, qui accompagnent le roi des Indiens dans ses expéditions militaires. Ils ont les oreilles si longues, qu’elles se touchent l’une l’autre, et qu’ils s’en enveloppent le dos et les bras jusqu’aux coudes.

Ctesias est imperturbable en débitant ses fables ; il assure avoir vu lui-même plusieurs des faits qu’il raconte : et s’il a omis, dit-il, beaucoup d’autres histoires encore plus merveilleuses, c’est pour ne pas avoir la réputation d’écrire des choses incroyables.

Il était moins facile de travestir aussi ridiculement l’histoire des Perses dont, non-seulement les destinées politiques, mais même la vie intérieure, devenaient de plus en plus familières aux Grecs. Au rapport de Photius, dans un second extrait, l’histoire de Perse de Ctesias contenait vingt-trois livres. Les six premiers traitaient de l’histoire d’Assyrie et de tout ce qui avait précédé l’empire des Perses. Ctesias commençait au septième à raconter l’histoire même de ce peuple. Dans ce livre, dans les huitième, neuvième, dixième, onzième, douzième et treizième livres, il parcourait l’histoire de Cyrus, de Cambyses, du Mage, de Darius et de Xercès ; puis il poursuivait au-delà du règne de ces princes jusqu’aux évènemens dont il fut lui-même contemporain ; il se montrait arrivant à Cnides sa patrie, de là passant à Lacédémone, de cette ville à Rhodes, partant d’Éphèse pour Bactres, enfin se rendant dans l’Inde. Cte-