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HISTOIRE LITTÉRAIRE DE LA FRANCE.

la chaire française s’est illustrée plus qu’aucune autre : le sermon et l’oraison funèbre ; nous assisterons aussi à la fondation de l’hymnologie, de la poésie lyrique chrétienne, dont saint Ambroise est le père. À propos du de Officiis de saint Ambroise, dans ce livre dont l’économie rappelle à quelque égard le livre de Cicéron, nous aurons occasion d’opposer la morale chrétienne du ive siècle à la morale païenne exprimée par son plus éloquent organe, et cette comparaison sera peut-être instructive.

De même Sulpice-Sévère, né en Gaule, tenta d’écrire une histoire universelle au point de vue chrétien ; conception que Bossuet devait trouver digne de son génie.

Saint Paulin, le tendre saint Paulin, nourri des lettres antiques, pleuré par la muse mal convertie d’Ausone, est l’élégiaque chrétien de ce temps, et il y aura peut-être quelque charme à l’écouter chantant au pied du tombeau du patron de son choix sous le ciel de Nola. Ici, se présentera une grande hérésie, une hérésie éternelle, si je puis parler ainsi, l’arianisme, c’est-à-dire une tendance plus ou moins avouée, plus ou moins complète, mais une tendance réelle au rationalisme, au déisme. L’arianisme avait aussi paru dans la Gaule, et il y rencontra un éloquent adversaire, saint Hilaire de Poitiers, l’Athanase de l’Occident, homme d’un caractère fougueux, prêtre d’un courage intrépide, qui lançait contre les empereurs ariens des pamphlets et des anathèmes. Puis vient le pélagianisme, autre grande hérésie qui soulève les questions les plus importantes. Il s’agit de la part à faire à la liberté de l’homme et à la volonté de Dieu ; il s’agit de concilier ensemble l’activité humaine et la providence divine. À toutes les époques, on retrouve cette discussion dans l’histoire du christianisme et dans l’histoire de la philosophie. Elle a été illustrée en France par le génie de Pascal ; la réforme l’a connue, et aujourd’hui elle partage encore les communions protestantes. Cette inévitable querelle du pélagianisme, sous une forme adoucie qui porte le nom de semi-pélagianisme, eut à la fin du ive siècle pour théâtre brillant notre Gaule méridionale, et ce qu’il y avait de rationnel dans le dogme des semi-pélagiens fit pencher un moment vers leur croyance tout une partie qui n’était pas la moins illustre et la moins sainte du clergé des Gaules. Contre eux Prosper d’Aquitaine lança son poème, âpre manifeste d’un dis-