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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

Il n’entra cependant dans le mouvement des affaires publiques qu’en 1813, époque où il fut nommé par sa ville natale procurateur aux Cortès. Réunie d’abord à Cadix, l’assemblée nationale se transféra à Madrid, après la retraite de l’armée française, et continua quelque temps ses travaux. M. Martinez défendit jusqu’au dernier jour les principes constitutionnels du temps ; sa parole avait eu de l’éclat. Après le retour de Ferdinand, il fut, comme il devait l’être, l’une des premières victimes offertes en sacrifice au royal parjure. Après avoir langui en prison deux longues années, il fut déporté, sans jugement et par simple lettre de cachet, au préside africain de Penon de Velez, roc insalubre, destiné d’ordinaire à de moins nobles expiations. Il végéta quatre ans dans cet infect Botany-Bay ; la péripétie de 1820 l’en tira. Un bâtiment de l’état vint briser sa chaîne, et le ramena en triomphe dans sa patrie.

Réélu par la ville de Grenade, il reparut aux cortès. Sa politique se dessina plus nettement cette fois que la première ; il prit place dans les rangs des plus modérés, et il inspira assez de confiance au pouvoir pour que Ferdinand remît les rênes de la monarchie dans ces mêmes mains qu’il avait naguère chargées de fers. M. Martinez fut appelé aux affaires étrangères et chargé de la composition du cabinet. Il remplit sa commission, mais sans succès. Il sortit du ministère cinq mois après y être entré (juillet 1822). Une démission devenue indispensable le rejeta dans la vie privée.

Un trait de désintéressement bien rare, et qui, par sa rareté même, fit sensation, lui acquit dès-lors une réputation d’intégrité, qui depuis ne s’est pas manquée à elle-même. À sa sortie du ministère, la gazette officielle publia qu’il avait refusé les émolumens de sa place et qu’il les avait abandonnés au profit du trésor.

Un autre incident eut du retentissement dans les journaux étrangers. On accusa M. Martinez d’avoir, d’accord avec Ferdinand, médité un coup d’état contre la constitution de 1812, qu’il trouvait trop populaire, et qu’il voulait dès-lors remplacer par une charte à deux chambres. Le projet eut même un commencement d’exécution. La garde royale se souleva, mais elle fut battue par la garde nationale. La retraite de M. Martinez suivit de près cet évènement. Ainsi, dès 1822, ses inclinations étaient peu révolutionnaires ; il était déjà fort tiède aux idées démocratiques.