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vers ; quelques-unes disparaissent, et il semble que le temps ne doive plus les ramener ; d’autres surviennent et les remplacent ; l’homme lutte, meurt ou quelquefois triomphe, comme dans la petite vérole où il se protége par la vaccine, ou dans la peste où il se préserve par la séquestration. C’est le déchaînement de certaines grandes forces dont les effets seuls se montrent, de tempêtes qui troublent l’harmonie des choses qui font vivre, de venins mortels dont le génie humain est, pour ainsi dire, l’unique réactif. Mais ces phénomènes ont-ils des lois ? dans quel sens et vers quel but marchent-ils ? Je ne sais si la science pourra jamais répondre à ces questions. La nature ne se montre jamais à l’observateur dans la plénitude de ses apparitions ; elle ne lui présente que des faits isolés, et son action totale ne se développe que dans le cours des siècles.

Les maladies universelles sont tellement distinctes dans leurs formes que l’on pourrait partager médicalement l’histoire de l’humanité en périodes qui caractériseraient la destinée des mortels d’après leurs souffrances corporelles.

La première époque est occupée par la peste antique qui a une origine obscure, mais qui est désignée, pour la première fois, dans la guerre du Péloponèse, et qui désola souvent les peuples jusqu’au ive siècle de l’ère chrétienne. Depuis lors, après avoir ainsi duré long-temps, elle a disparu de la terre avec son éruption de boutons, son délire furieux, son inflammation des yeux et des voies aériennes, avec sa gangrène des membres, qui mutila tant de victimes.

Lorsqu’à la fin du ve siècle, les hordes sauvages du nord et de l’Asie se précipitèrent sur l’empire romain et mirent, par le glaive, un terme à l’ancienne organisation sociale, il apparut une nouvelle maladie, la peste d’Orient dont la première invasion fut peut-être plus meurtrière que tout ce qu’on avait vu jusqu’alors et tout ce qu’on a vu depuis. La variole paraît être aussi sa contemporaine. La fièvre jaune marque une autre phase dans l’histoire pathologique. Enfin le choléra, né de nos jours, montre les souffrances de l’humanité sous une nouvelle face.

Notre planète, qui occupe une place déterminée dans le système du monde, qui reçoit la lumière et une portion de sa chaleur du soleil, et qui n’est qu’une petite portion d’un grand ensemble, est animée par des forces puissantes qui la rendent pesante et magnétique. Mais la plus merveilleuse de ces forces est sans doute la vie, qui s’y déploie à la surface sous mille formes diverses. De même que l’électricité, suivant la théorie des physiciens, occupe toujours l’extérieur des corps électrisés et ne demeure jamais dans leur intérieur, de même la vie est répandue sur toute la superficie du globe terrestre et s’y manifeste par la végétation et l’animalité. C’est un riche et brillant spectacle qu’elle déploie à profusion ;