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vérole : « La maladie dysentérique envahit presque toutes les Gaules. Ceux qu’elle attaquait étaient pris d’une forte fièvre avec des vomissemens, d’une douleur excessive dans les reins, et de pesanteur de tête ; puis survenaient des pustules. Des ventouses appliquées aux épaules ou aux cuisses, procurant l’écoulement d’une grande quantité d’humeur, avec le développement et l’éruption des boutons, sauvèrent beaucoup de malades ; de même, les herbes, qui servent de contrepoison, prises en boisson, rendirent de grands services. Cette maladie, commencée au mois d’août, attaqua surtout les jeunes enfans. Le roi Chilpéric en fut atteint, et bientôt après le plus jeune de ses fils, qui venait d’être baptisé, la contracta ; enfin, le frère aîné de celui-là, nommé Chlodobert, la gagna à son tour. » Frédégonde fut plongée dans la douleur à la vue de ses enfans malades, et, accusant de leur danger les vexations qu’avaient souffertes les peuples sous son gouvernement et sous celui de son mari, elle jeta dans le feu les registres de nouvelles taxes qui venaient d’être imposées. Ce qui n’empêcha pas ses enfans de mourir peu de temps après.

C’est donc tout-à-fait à tort qu’on rapporte ordinairement l’invasion de la petite vérole à l’irruption des Arabes dans l’Occident. Cette maladie s’établit dans nos contrées vers la fin du vie siècle de l’ère chrétienne ; elle est à peu près contemporaine de la peste d’Orient.

Le moyen-âge fut plus qu’aucune autre époque en proie à des calamités de ce genre. Certaines maladies, déjà connues de l’antiquité, prirent un effroyable développement. Tel fut l’éléphantiasis, connu vulgairement sous le nom de lèpre, et qui fit, pendant plusieurs siècles, le désespoir de nos populations occidentales. Sans entrer dans le détail de toutes les souffrances corporelles de nos aïeux, je vais en rappeler quelques-unes aux souvenirs du lecteur.

Le mal des ardens se présente d’abord avec des caractères effrayans et qui ne sont pas en contraste avec la sombre et rude époque où il se développa. Le plus ancien monument qui en fasse mention, est la chronique de Frodoart pour l’année 945.

« Quantité de monde, tant à Paris qu’en province, périt d’une maladie appelée le feu sacré ou les ardens. Ce mal les brûlait petit à petit, et enfin les consumait sans qu’on y pût remédier. Pour éviter ce mal ou en guérir, ceux de Paris quittaient la ville pour prendre l’air des champs, et ceux de la campagne se réfugiaient dans Paris. Hugues-le-Grand fit alors éclater sa charité, en nourrissant tous les pauvres malades, quoique parfois il s’en trouvât plus de six cents. Comme tous les remèdes ne servaient de rien, on eut recours à la Vierge, dans l’église Notre-Dame, qui, dans cette occasion, servit long-temps d’hôpital. »