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DES GRANDES ÉPIDÉMIES.

l’historien Procope. J’aime mieux réunir ici quelques détails moins connus sur les malheurs qu’elle causa dans notre Occident.

Dès l’an 540 après Jésus-Christ, la peste était arrivée à Paris. On lit dans le Livre des miracles de saint Jean : « Tandis que la peste ravageait les peuples et notre patrie, je sentis, à mon départ de Paris, où elle régnait alors, que la contagion du mal me gagna. Nul n’ignore, je pense, quelle épouvantable maladie dévasta à cette époque notre pays. »

Les historiens occidentaux du temps font souvent mention de cette maladie. Marseille en fut infecté violemment en 588. Un navire arriva de la côte d’Espagne avec des marchandises. Plusieurs citoyens ayant fait des achats, une famille, composée de huit membres, périt subitement. Le mal ne se propagea pas tout d’abord dans le reste de la ville ; mais il se passa un certain intervalle comme quand le feu couve quelque temps dans une moisson ; puis tout à coup l’incendie s’étendit sur Marseille tout entier. L’évêque Théodore se tint pendant tout le temps de l’épidémie dans l’enceinte de la basilique de Saint-Victor, se livrant aux veilles et aux prières et implorant la miséricorde divine. La peste ayant enfin cessé en deux mois, le peuple, plein de sécurité, revint dans la ville ; mais il y eut une recrudescence, et ceux qui étaient revenus périrent. Depuis ce temps, la peste fit plusieurs apparitions à Marseille.

Dans ce tableau tracé par Grégoire de Tours, on croirait lire une description moderne d’une invasion de la peste à Alexandrie ou à Smyrne.

À peu près vers la même date, la peste ravageait Rome ; le pape Pélage en fut la première victime, et un témoin oculaire rapporta à Grégoire de Tours avoir vu tomber, durant une supplication publique, en une heure de temps, quatre-vingts personnes qui expirèrent immédiatement.

À Clermont, en 571, le même auteur vit, un certain dimanche, dans la seule basilique de Saint-Pierre, trois cents corps de personnes mortes de la peste. Il se formait dans les aines ou dans les aisselles une plaie, et les malades succombaient en deux ou trois jours.

À peu près à l’époque où la peste d’Orient faisait sa première apparition dans l’Europe, on y vit aussi se développer une maladie non moins terrible et qui dure encore, quoique singulièrement affaiblie par les découvertes de la médecine moderne : je veux parler de la variole ou petite vérole.

Déjà nommée par Marius, évêque d’Avenches, dans la chronique de l’année 570, elle est décrite d’une manière très distincte par Grégoire de Tours, sous le nom de maladie dysentérique (morbus dysentericus), de peste valétudinaire (lues valetudinaria). Dans la description suivante qu’il en donne, liv. iv, à l’année 580, aucun médecin ne méconnaîtra la petite