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Thucydide dit qu’il était parti de l’Éthiopie et qu’il avait parcouru l’Égypte et la Perse ; les lettres d’Hippocrate, bien que supposées, attestent néanmoins les ravages qu’il exerça dans l’empire du grand-roi. Il s’étendit dans le reste de la Grèce, et les historiens en signalent l’apparition dans des troupes occupées à faire le siége de quelques villes de la Thrace. S’il est impossible de le suivre en Italie ou dans les Gaules ; c’est que, à une époque aussi reculée que l’est celle de la guerre du Péloponèse, les écrivains manquent partout ailleurs que dans la Grèce. On n’avait pas conservé le souvenir d’une pareille destruction d’hommes ; les médecins ne suffisaient pas à soigner les malades, et d’ailleurs, ils furent surtout atteints par l’épidémie. Le mal se déclara d’abord dans le Pirée, et les habitans commencèrent par dire que les Péloponésiens avaient empoisonné les fontaines ; c’est ainsi que les Parisiens dirent, en 1832, que des misérables empoisonnaient la viande chez les bouchers et l’eau dans les fontaines. Puis l’épidémie gagna la ville avec un redoublement de fureur. L’invasion était subite ; d’abord la tête était prise d’une chaleur ardente, les yeux rougissaient et s’enflammaient, la langue et la gorge devenaient sanglantes ; il survenait des éternuemens et de l’enrouement ; bientôt après l’affection gagnait la poitrine et produisait une toux violente ; puis, lorsqu’elle était fixée sur l’estomac, il en résultait des vomissemens, avec des angoisses extrêmes, des hoquets fréquens et de violens spasmes ; la peau n’était, au toucher, ni très chaude, ni jaune ; elle était légèrement rouge, livide et couverte de petits boutons vésiculeux et d’ulcérations. Mais la chaleur interne était si grande, que les malades ne pouvaient supporter aucun vêtement ; ils voulaient rester nus, et plusieurs, tourmentés par une soif inextinguible, allaient se précipiter dans des puits. La mort survenait vers le septième ou le neuvième jour ; plusieurs perdaient les mains ou les pieds par la gangrène ; d’autres, les yeux ; quelques autres éprouvaient une abolition complète de mémoire, et ne se connaissaient plus ni eux ni leurs proches.

Dans ce tableau, et quand on en examine attentivement les détails et l’ensemble, il est impossible de retrouver aucune des maladies qui nous affligent maintenant. La peste d’Athènes est une des affections aujourd’hui éteintes.

Mais cette grande fièvre épidémique ne se montra pas une première fois, pour ne plus jamais reparaître ; on la retrouve dans les siècles postérieurs avec les mêmes caractères d’universalité et de gravité, qui avaient épouvanté la Grèce. Le règne de Marc-Aurèle, entre autres fut signalé par un des retours de cette meurtrière maladie. Cette fois les relations historiques en indiquent le développement sur presque tous les points de l’empire romain. L’Orient encore fut le point de départ. C’est