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SIMON.

qui est vraiment trop léger pour un ministre du Seigneur, eût offensé la majesté de Dieu par un véritable scandale.

Mme Féline étant dans ces dispositions, l’occasion ne se fit pas attendre. Un matin que Mlle de Fougères passait devant sa cabane, pour aller voir Mlle Parquet, elle vit Jeanne penchée sur sa petite fenêtre à hauteur d’appui, qu’encadrait le pampre rustique. La bonne dame était occupée à faire manger dans sa main le milan royal.

— Bonjour, Italia ! dit Fiamma en passant.

Mme Féline releva la tête, et, charmée de voir la jeune fille, elle lia conversation avec elle. L’éducation et la santé de l’oiseau étaient un sujet tout trouvé.

— Comment se fait-il que vous sachiez son nom ? demanda Jeanne. Je ne l’ai dit à personne, car je ne pouvais pas m’en souvenir ; mais quand vous l’avez prononcé, j’ai bien reconnu celui que mon fils lui donnait ; car c’est mon fils qui l’a rapporté de la montagne.

— Et qui l’a pris dans la gorge aux Hérissons, reprit Fiamma.

— Vraiment ! vous le savez ? s’écrie Jeanne. Vous l’avez donc rencontré à la chasse ?

— Et j’ai même chassé avec lui ce jour-là, répondit Mlle de Fougères. J’ai encore sur les mains les marques de courage de monsieur, ajouta-t-elle en donnant une petite tape à l’oiseau ; et c’est monsieur Simon qui nous a servi de chirurgien à tous deux.

— En vérité !… Oh ! à présent, dit Mme Féline en secouant la tête avec un sourire, je comprends l’amitié qu’il portait à ce gourmand, et pourquoi il m’a tant recommandé en partant d’en avoir soin. Allons ! maintenant j’en prendrai plus de souci encore ; car si vous êtes telle que vous semblez être, je vous aime, vous !

— Vous ne pouvez pas me dire une chose plus agréable, répondit Fiamma en portant vivement à ses lèvres la main ridée que lui tendait Jeanne. Puis, comme si ce mouvement impétueux eût trahi quelque secrète pensée de son cœur, elle rougit et garda le silence. Féline ne pouvait interpréter cette émotion ; elle se mit tout de suite à lui parler du curé et de la doyenne, de la république et de la monarchie, de la religion, de tout ce qui l’intéressait, et par-dessus tout de son fils. Mlle de Fougères fut étonnée du sens profond et même de la grace spirituelle et naïve de cet esprit supé-