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REVUE LITTÉRAIRE DE L’ALLEMAGNE.

pièce sous la protection du gouvernement prussien. Il n’y a d’italien que le sujet et les noms ; les personnages sont d’honnêtes hommes d’esprit allemands, qui parlent avec une belle façon de salon, et font de l’analyse et de la poésie subtile en gens qui se souviennent de leurs années d’université. Antonio dit, à propos de ses anciens démêlés avec Tasse, qu’ils ne se comprenaient pas, mais qu’ils n’ont jamais été ennemis ; que tout s’est donc passé pour le mieux, car la nature, cette grande artiste, a besoin de dissonnances pour faire son harmonie. Malheureusement, je crois qu’au temps de Tasse les dissonnances n’étaient guère employées par les musiciens, qui les connaissaient à peine. Tasse fait de l’homœopathie, en rafraîchissant par le feu de l’aloès son sang brûlant, comme on étanche la soif d’amour avec la flamme des baisers. La bonne princesse Léonora est un bas-bleu allemand. Elle possède au plus haut degré le don de critique philosophique, morale et littéraire, et dit sur la vocation de la femme en ce monde de belles paroles précieuses, que jamais princesse italienne ne se donnerait la peine de comprendre. Le style est celui d’un homme habile ; mais la poésie seule a le privilège de rendre invraisemblable le langage du drame, et dans celui-ci l’on plaide beaucoup trop. Nous retrouverons bientôt M. Raupach à propos d’une comédie ou d’un mélodrame.


A. Sp.

Un hasard regrettable a fait sortir de nos mains, au moment où nous allions en rendre compte, Vally la Sceptique (die Zweiflerin), de M. Gutskow, dont les journaux annoncent les démêlés avec la diète germanique. Depuis ce moment, il nous a été impossible de nous procurer de nouveau cet ouvrage, qui paraît avoir attiré sur son auteur les rigueurs du pouvoir. M. Gutskow est un jeune homme d’un esprit fort original, et qui le serait bien plus encore, si Henri Heine ne s’était posé de bonne heure comme dictateur de cette jeune génération mécontente et frondeuse. Nous ignorons jusqu’à présent le contenu de la Sceptique ; mais c’est, de la part des amphyctions germaniques, une imprudence toute gratuite que d’avoir donné une importance générale à un ouvrage qui ne pouvait faire scandale que chez les lettrés. On dit que l’auteur a