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DIPLOMATES EUROPÉENS.

notes même de diplomatie, où le sens est presque toujours caché sous des phrases techniques, et pour ainsi dire matérielles. C’est à M. de Metternich que l’on doit surtout cette élévation d’idées qui en appelle toujours à la postérité des passions et des préjugés contemporains. Le défaut même de M. de Metternich est de trop se laisser dominer par cette broderie tout élégante dont il aime à orner les moindres actes de son cabinet ; il en est le faiseur le plus actif ; il a surpassé de beaucoup la rédaction de M. de Gentz, qui eut, dans son temps, une si grande renommée d’écrivain diplomatique. Ceux qui virent M. de Metternich en 1825, lorsque la triste maladie de sa femme l’appela à Paris, furent surpris de trouver en lui presque de la vanité littéraire. M. de Metternich connaissait tous nos bons auteurs, jugeait les contemporains avec une sagacité remarquable. On ne pouvait concevoir que l’homme politique eût pu conserver le loisir d’étudier les plus futiles productions de la littérature contemporaine.

Les affaires s’asseyaient en Europe. Dès 1827, M. de Metternich s’était inquiété des mouvemens de la Russie à l’égard de la Porte Ottomane. Là était un des dangers les plus pressans pour l’influence autrichienne. Si les projets des Russes se réalisaient, le cabinet de Vienne se voyait arracher sa prépondérance, presque aussi vieille que celle de la France sur la Porte Ottomane. À cette époque, M. de Metternich fit sonder le ministère français ; on l’écouta à peine, car les négociations les plus étranges s’étaient ouvertes entre les trois cabinets de Saint-Pétersbourg, de Londres et de Paris sur la question des Grecs. Et ici il est bon d’expliquer ces refus que fit M. de Metternich d’intervenir dans les transactions qui amenèrent le traité du mois de juillet 1827.

La cause des Grecs avait pris, dès l’année 1824, une consistance et un caractère européen. Chaque époque a sa politique de sentiment, et on s’était pris d’un fanatisme classique pour les Grecs. Sans doute il y avait quelque chose de puissant dans cet héroïsme qui secouait le joug des barbares, mais, au fond, les déclamations chrétiennes de la Russie, ses notes vives et pressantes pour les Grecs, étaient encore moins l’expression d’une sympathie religieuse que les actes d’une politique habile qui abaissait la Porte Ottomane pour la réduire ensuite à la qualité de vassale. La Russie s’adressa donc à Charles x, lui parla de la croix ; elle fit agir en Angleterre le comité grec ; c’est sous l’influence de ces préoccupations philantropiques que le traité du mois de juillet 1827 et la bataille de Navarin vinrent sérieusement préoccuper M. de Metternich ; il devinait toute la portée de cette politique imprévoyante. Le