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Napoléon se portait sur le golfe Juan, Murat, inquiet sur les résolutions du cabinet de Vienne, faisait de grands préparatifs militaires, et semblait appeler les hostilités. Les armées autrichiennes se rassemblaient en masse dans le royaume lombardo-vénitien, attendant l’arme au bras les évènemens qui se préparaient.

Ils étaient immenses, ces évènemens ! Napoléon avait bien jugé la situation des puissances les unes vis-à-vis des autres. On assure même qu’il fut instruit par un de ses agens secrets, employé aux Affaires-Étrangères, du traité confidentiel et de garantie entre M. de Metternich, lord Castelreagh et M. de Talleyrand contre la Russie. Il revenait en quelque sorte pour le mettre à exécution ; il prenait l’Europe divisée, et cherchait à profiter de cet état de choses pour assurer sa couronne. Mais la grandeur de ce nom inspirait tant de terreur, il jetait tant d’étonnement et d’effroi au milieu des vieilles souverainetés européennes, que l’on se réunit en toute hâte pour prendre des mesures communes. M. de Talleyrand, le duc de Dalberg, s’agitèrent avec une indicible activité ; ils sollicitèrent un rapprochement général contre celui qu’ils appelaient l’ennemi commun, le perturbateur de l’Europe. L’esprit mystique d’Alexandre se prêtait à des idées d’alliance chrétienne et de croisade européenne, et M. de Metternich, d’après le rôle qu’il avait adopté lors la rupture de 1813, ne pouvait pas se départir des stipulations militaires conclues à Chaumont. Ce traité fut renouvelé, et pour me servir de l’expression officielle des chancelleries, Napoléon fut mis au ban de l’Europe.

Sur sa route si rapidement parcourue du golfe Juan à Paris, Napoléon avait répandu la nouvelle qu’il était d’accord avec l’Autriche et l’Angleterre pour retourner en France. Il n’en était rien ; Napoléon était seulement bien informé de la situation diplomatique ; il savait que ces deux puissances se séparaient plus que jamais de la Russie. Une de ses premières démarches fut donc de chercher à se mettre en rapport avec M. de Metternich. En même temps qu’il écrivait directement à Marie-Louise, il envoyait, par l’intermédiaire de quelques agens secrets, des lettres confidentielles d’amis intimes du ministre, et même d’une princesse du sang impérial qui avait eu de tendres rapports avec M. de Metternich. Puis il communiqua à Alexandre copie du traité de la triple alliance contre la Russie. Ces démarches firent peu d’effet ; les agens furent arrêtés sur la frontière. L’Autriche était trop avancée dans la coalition ; déjà même ses armées s’étaient mises en mouvement du côté de l’Italie contre Murat et les Napolitains ; le général Bianchi