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par l’invasion en France et les évènemens de 1814. Ce traité fut tenu secret avec une si profonde attention, que la Russie n’en sut pas un mot ; il stipulait une convention de subsides, l’engagement d’un certain nombre d’hommes toujours prêts pour une éventualité de guerre, au cas où la Russie et la Prusse chercheraient à briser l’équilibre établi dans les intérêts européens.

C’est à cette intelligence parfaite de la France et de l’Autriche, dans la question de la Saxe, que l’on dut le rétablissement d’une vieille et fidèle dynastie que la Prusse voulait engloutir. L’Angleterre avait fait, sur ce point, des concessions au cabinet de Saint-Pétersbourg, car elle pensait que la constitution de la Prusse, dans des proportions territoriales très étendues, était nécessaire comme une barrière toujours opposée aux invasions de la Russie. Sous ce point de vue, elle se trompait peut-être, et depuis, l’intime alliance de la Russie et de la Prusse l’a prouvé. Mais alors c’était la pensée du cabinet anglais ; M. de Metternich dut la combattre, il le fit dans une série de notes opposées à celles de MM. de Hardenberg et de Humboldt. Restait la question polonaise, et sur celle-ci, l’Autriche se trouvait complètement d’accord avec l’Angleterre. Le cabinet de Vienne, en effet, voyait avec une extrême jalousie la constitution d’un royaume de Pologne ; au fond de la bienveillance d’Alexandre pour les Polonais, se trouvait une idée politique. En constituant un royaume de Pologne, en rappelant les souvenirs de la patrie dans ces nobles cœurs, l’empereur Alexandre savait bien que, tôt ou tard, il réunirait à cette nation, placée sous nos protectorats, la portion de la Pologne échue à l’Autriche et à la Prusse par le traité de partage. M. de Metternich vit le danger, et s’opposa de toutes ses forces à l’établissement d’une Pologne russe. L’Angleterre, de son côté, demandait que ce royaume fût constitué, non point comme un accessoire de la Russie, mais comme une barrière d’avenir contre ses envahissemens. C’était une illusion sans doute, car Alexandre occupant le territoire polonais, il était difficile de le lui arracher.

Ce fut au milieu de tous ces différends, tandis que les discussions se prolongeaient sur la rédaction de l’acte final, qu’on apprit le débarquement de Napoléon au golfe Juan. C’était pendant une soirée de fête chez la princesse de Taxis ; on jouait un tableau historique, je crois que c’était Marguerite de Flandres. Cette nouvelle d’abord ne bourdonna qu’aux oreilles ; on n’y ajouta aucune foi ; mais le lendemain elle fut officiellement confirmée par un courrier de l’ambassade anglaise. Il faut alors juger toute l’anxiété de M. de Metternich ; il avait trop