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Qu’opposer à d’injustes critiques partant de si haut ? Je sais tout ce que certains esprits puisent de fermeté dans la conscience de leur bon droit et dans la certitude que, tôt ou tard, la vérité triomphera ; mais le grand nombre est inévitablement dominé par une pensée inhérente à notre nature, que Voltaire traduisait en ces termes :

Quand dans la tombe un pauvre homme est inclus,
Qu’importe un bruit, un nom qu’il n’entend plus !

Écoutez, par exemple, Galilée lui-même, après son abjuration, dire à demi-voix :

E pur si muove !

Et ne cherchez pas dans ces immortelles paroles une idée d’avenir, car elles sont l’expression du cruel dépit qu’éprouvait l’illustre vieillard. Young, aussi, dans l’écrit de quelques pages qu’il publia en réponse à l’Edinburgh Review, se montra profondément découragé. La vivacité, la véhémence de ses expressions déguisaient mal le sentiment qui l’oppressait. Au reste, hâtons-nous de le dire, justice, justice complète lui fut enfin rendue ! Depuis quelques années, le monde entier voyait en lui l’une des principales illustrations de notre temps. C’est de France (Young prenait plaisir à le proclamer lui-même) que partit le signal de cette tardive réparation. J’ajouterai qu’à l’époque beaucoup plus ancienne où la doctrine des interférences n’avait encore fait de prosélytes, ni en Angleterre, ni sur le continent, Young trouvait dans sa propre famille quelqu’un qui le comprenait et dont les suffrages auraient dû le consoler des dédains du public. La personne distinguée que je signale ici à la reconnaissance de tous les physiciens de l’Europe, voudra bien m’excuser si je complète mon indiscrétion.

Dans l’année 1816, je fis un voyage en Angleterre avec mon savant ami, M. Gay Lussac. Fresnel venait alors de débuter dans la carrière des sciences, de la manière la plus brillante, par son Mémoire sur la diffraction. Ce travail, qui, suivant nous, renfermait une expérience capitale, inconciliable avec la théorie newtonnienne de la lumière,

    en effet, et l’idée m’en était même venue, mais j’y ai bientôt renoncé. Je connais trop bien les sentimens élevés de mon illustre ami, pour craindre qu’il s’offense de ma franchise dans une question où, j’en ai la conviction profonde, l’immense étendue de son esprit ne l’a pas mis à l’abri de l’erreur. L’hommage que je rends au noble caractère de lord Brougham, en publiant aujourd’hui ce passage de l’éloge de Young, sans le modifier, est, à mon sens, tellement significatif, que je n’essaierai pas d’y rien ajouter.