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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

de quel prix devait être une véritable bibliothèque vivante, où chacun trouvait à l’instant une réponse exacte, précise, substantielle, sur toutes les natures de questions qui pouvaient être proposées.

Young s’était aussi beaucoup occupé des arts. Plusieurs de ses mémoires témoignent des profondes connaissances que, de très bonne heure, il avait acquises dans la théorie de la musique. Je me tairai sur son talent d’exécution, parce qu’il est deux instrumens dont il n’avait pas appris à jouer, et que je ne saurais dire lesquels. Son goût pour la peinture se développa pendant le séjour qu’il fit en Allemagne. Alors, la magnifique collection de Dresde l’absorba entièrement, car il n’aspirait pas seulement au facile mérite d’accoler, sans se méprendre, tel ou tel nom de peintre à tel ou tel tableau. Les défauts et les qualités caractéristiques des plus grands maîtres, leurs fréquens changemens de manière, les objets matériels qu’ils mettaient en œuvre, les modifications que ces objets, que les couleurs, entre autres, éprouvent par la suite des temps, l’occupèrent tour à tour. Young, en un mot, étudiait la peinture en Saxe, comme auparavant il avait étudié les langues dans son propre pays, comme plus tard il cultiva les sciences. Au reste, tout était à ses yeux un sujet de méditations et de recherches. Les camarades universitaires de l’illustre physicien se rappellent un exemple risible de cette disposition d’esprit. Ils rapportent qu’étant entrés dans la chambre de Young le jour où, pour la première fois, il reçut, à Édimbourg, une leçon de menuet, on le trouva occupé à tracer minutieusement, avec la règle et le compas, les routes entrecroisées que parcourent les deux danseurs, et les divers perfectionnemens dont ces figures lui paraissaient susceptibles.

Young emprunta de bonne heure à la secte des quakers, dont il faisait alors partie, l’opinion que les facultés intellectuelles des enfans diffèrent originairement entre elles beaucoup moins qu’on ne le suppose. Chaque homme aurait pu faire ce que tout autre homme a fait, était devenu sa maxime favorite. Jamais, au surplus, il ne recula personnellement devant les épreuves d’aucun genre, auxquelles on désirait soumettre son système. La première fois qu’il monta à cheval, en compagnie du petit-fils de M. Barclay, l’écuyer qui les suivait franchit une barrière élevée. Young voulut l’imiter, mais il alla tomber à dix pas. Il se releva sans mot dire, fit une seconde tentative, fut encore désarçonné, mais ne dépassa pas, cette fois, la tête du cheval, à laquelle il resta accroché. À la troisième épreuve, le jeune écolier, comme le voulait sa thèse de prédilection, réussit à exécuter ce qu’on venait de faire devant lui. Cette expérience n’a dû être citée ici que