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ILLUSTRATIONS SCIENTIFIQUES.

dans son acception naturelle, nous transporte sur un terrain qui a déjà été le théâtre de débats nombreux et bien animés. J’ai hésité un moment à affronter les passions que cette question a soulevées. Le secrétaire d’une académie exclusivement occupée des sciences exactes pourrait, en effet, sans nulle inconvenance, renvoyer ce procès philologique à des juges plus compétens. Je craignais, d’ailleurs, je l’avouerai, de me trouver en désaccord, sur plusieurs points importans, avec le savant illustre dont il m’a été si doux d’analyser les travaux, sans qu’un seul mot de critique ait dû, jusqu’ici, venir se placer sous ma plume.

Tous ces scrupules se sont évanouis lorsque j’ai réfléchi que l’interprétation des hiéroglyphes égyptiens est l’une des plus belles découvertes de notre siècle ; que Young a lui-même mêlé mon nom aux discussions dont elle a été l’objet ; qu’examiner enfin si la France peut prétendre à ce nouveau titre de gloire, c’est agrandir la mission que je remplis en ce moment, c’est faire acte de bon citoyen. Je sais d’avance ce qu’on trouvera d’étroit dans ces sentimens ; je n’ignore pas que le cosmopolitisme a son bon côté ; mais, en vérité, de quel nom ne pourrais-je pas le stigmatiser, si, lorsque toutes les nations voisines énumèrent avec bonheur les découvertes de leurs enfans, il m’était interdit de chercher dans cette enceinte même, parmi des confrères dont je ne me permettrai pas de blesser la modestie, la preuve que la France n’est pas dégénérée ; qu’elle aussi apporte chaque année son glorieux contingent dans le vaste dépôt des connaissances humaines ?

J’aborde donc la question de l’écriture égyptienne ; je l’aborde, libre de toute préoccupation, avec la ferme volonté d’être juste, avec le vif désir de concilier les prétentions rivales des deux savans dont la mort prématurée a été pour l’Europe entière un si légitime sujet de regrets. Au reste, je ne dépasserai pas dans cette discussion sur les hiéroglyphes les bornes qui me sont tracées ; heureux si l’auditoire qui m’écoute et dont je réclame l’indulgence, trouve que j’ai su échapper à l’influence d’un sujet dont l’obscurité est devenue proverbiale !

Les hommes ont imaginé deux systèmes d’écriture entièrement distincts. L’un est employé chez les Chinois : c’est le système hiéroglyphique ; le second, en usage actuellement chez tous les autres peuples, porte le nom de système alphabétique ou phonétique.

Les Chinois n’ont pas de lettres proprement dites. Les caractères dont ils se servent pour écrire, sont de véritables hiéroglyphes ; il représentent, non des sons, non des articulations, mais des idées. Ainsi maison s’exprime à l’aide d’un caractère unique et spécial, qui ne changerait pas, quand même tous les Chinois arriveraient à désigner