Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/748

Cette page a été validée par deux contributeurs.
742
REVUE DES DEUX MONDES.

Cette assimilation, généralement adoptée depuis Képler, ne donnait prise qu’à une seule difficulté. La chambre obscure, comme une lunette ordinaire, doit être mise au point, suivant l’éloignement des objets. Quand ces objets se rapprochent, il est indispensable d’écarter le tableau de la lentille ; un mouvement contraire devient nécessaire si les objets s’éloignent. Conserver aux images toute la netteté désirable, sans changer la position de la surface qui les reçoit, est donc impossible, à moins toutefois que la courbure de la lentille puisse varier : qu’elle s’accroisse quand on vise à des objets voisins, qu’elle diminue pour des objets éloignés.

Parmi ces divers modes d’obtenir des images distinctes, la nature a fait inévitablement un choix, car l’homme peut voir avec une grande netteté à des distances fort dissemblables. La question ainsi posée a été pour les physiciens un vaste sujet de recherches et de discussions ; de grands noms figurent dans ce débat.

Képler, Descartes, .....soutiennent que l’ensemble du globe de l’œil est susceptible de s’alonger et de s’aplatir.

Poterfield, Zinn, .....veulent que la lentille cristalline soit mobile ; qu’au besoin elle puisse aller se placer plus ou moins loin de la rétine.

Jurin, Musschenbroek, .....croient à un changement dans la courbure de la cornée.

Sauvages, Bourdelot, .....font aussi intervenir une variation de courbure, mais dans le cristallin seulement. Tel est aussi le système de Young. Deux mémoires, dont il fit successivement hommage à la Société royale de Londres, en renferment le développement complet.

Dans le premier, la question n’est guère envisagée que sous le point de vue anatomique. Young y démontre, à l’aide d’observations directes et très délicates, que le cristallin est doué d’une constitution fibreuse ou musculaire, admirablement adaptée à toutes sortes de changement de forme. Cette découverte renversait la seule objection solide qu’on eût, jusque-là, opposée à l’hypothèse de Sauvages, de Bourdelot, etc. À peine fut-elle publiée que Hunter la réclama. Le célèbre anatomiste servait ainsi les intérêts du jeune débutant, puisque son travail, resté inédit, n’avait été communiqué à personne. Au surplus, ce point de la discussion perdit bientôt toute importance ; un érudit montra, en effet, qu’armé de ses puissans microscopes, Leeuwenhoek suivait et dessinait déjà, dans toutes leurs ramifications, les fibres musculaires du cristallin d’un poisson. Pour réveiller l’attention publique, fatiguée de tant de débats, il ne fallait rien moins que la haute renommée des deux nouveaux membres de la Société royale qui entrèrent en lice.