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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

La première mesure de la régence fut une mesure de conservation, elle maintint M. Zéa au ministère. La première démarche de M. Zéa fut aussi une démarche conservatrice : sa proclamation, après la mort du roi, peut compter pour la déception la plus solennelle qui ait jamais été infligée à un peuple. Taillant les ailes à l’espérance, il annonçait froidement que rien n’était changé et que le système de Ferdinand allait être, au contraire, religieusement continué. On comprit que Ferdinand se survivait dans son ministère. Cette proclamation n’était que la répétition presque textuelle du manifeste qui avait marqué la rentrée de M. Zéa au ministère ; mais la position n’était plus la même, Ferdinand n’était plus là pour prendre sur sa tête royale la responsabilité des mauvais vouloirs du ministre. Elle lui restait tout entière, elle l’écrasa.

C’était un mauvais début ; se retrancher dans la négative à l’origine d’une révolution, car il ne faut pas se dissimuler que dès-lors c’en était une, c’était renouveler la faute commise quarante ans plus tôt par la cour de Versailles, c’était jeter la monarchie en des convulsions violentes, peut être tragiques. Des hommes politiques qui ont vu à l’œuvre M. Zéa, qui l’ont suivi jour par jour, dans tout le cours de son administration, hommes, du reste, d’une modération non suspecte, car elle est commandée par une longue pratique des affaires et par de hautes fonctions sociales, des hommes éminens, disons-nous, ont regretté que M. Zéa ait pris, dès l’abord, une position fausse ; il avait de la fermeté, du caractère, une capacité gouvernementale rare en Espagne, où la vie politique ne fait que de naître, où les libertés publiques sont au berceau, et il est triste qu’il n’ait pas assigné à ces facultés précieuses un meilleur emploi. Homme de progrès, il pouvait rendre à l’Espagne de signalés services ; stationnaire, il a manqué son rôle.

M. Zéa partait d’un faux principe : reconnaissant à la pragmatique de 1830 tous les caractères de loi fondamentale et constitutive, il soutenait la légitimité d’Isabelle ; ce n’est pas en cela qu’il errait, car cette opinion est la nôtre et nous avons exposé assez longuement nos motifs, pour nous dispenser d’y revenir ; mais il se trompait dans les conséquences. De ce qu’Isabelle était, selon lui, reine par droit divin, il en concluait