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vais plaisant, et qui, ainsi que nous l’avons dit, joignait la bouffonnerie à ses autres vertus royales, prenait, dit-on, plaisir, lorsqu’il était en belle humeur, à se faire relire le testament mystificateur par son ministre. Il jouissait de l’embarras de son meilleur ami. C’était là un de ses divertissemens les plus chers.

Tout cela, sans doute, ne devait pas attacher Calomarde à la reine. Absolutiste invétéré, il craignait d’autant plus les innovations, que la première réforme devait infailliblement commencer par lui. Son intérêt donc autant que ses principes, si un tel homme a des principes, le rapprochaient de don Carlos et du parti apostolique. Le parti apostolique sut profiter habilement de la fausse position du ministre. Des ouvertures lui furent faites (on comprend de quelle nature elles durent être), et les semences jetées sur un terrain si bien préparé ne tardèrent pas à fructifier. La mort imminente du roi, — on l’attendait d’heure en heure, — activa l’intrigue. Tout délai était périlleux ; on risquait d’arriver trop tard. Calomarde prit donc son grand courage, il vira de bord, il profita de la maladie du roi pour l’isoler et le circonvenir. Il lui représenta les dangers d’une minorité, d’une régence, et il tira si bon parti de sa versatilité naturelle, de l’affaiblissement de ses organes, que, moitié de gré, moitié de force, il fit signer à sa main mourante une révocation formelle de la pragmatique de 1830. À peine cet acte était-il arraché au roi moribond, que la nouvelle de sa mort se répandit de Saint-Ildefonse à Madrid. Elle vola à Paris par télégraphe. C’était le 17 septembre.

Grande jubilation dans les cloîtres ; le client monacal était roi ; l’absolutisme apostolique montait sur le trône avec lui. Le parti de la reine était terrassé, les novateurs frappés de mort. Mais voici bien une autre fête : Ferdinand ressuscite, et don Carlos descend du trône. Jamais péripétie ne fut plus soudaine ; les vaincus de la veille reprirent le champ de bataille, les vainqueurs battirent en retraite.

Il se passa alors dans l’intérieur du palais de la Grange, autour de ce lit où le monarque ressuscité luttait encore contre les angoisses de la mort, il se passa des scènes où le grotesque et l’ignoble le disputent à la rage et à la violence. Les valets subalternes des deux partis, ceux de la reine Christine et ceux de don Carlos,