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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

un homme qui avait été domestique, puis avocat ou procureur, puis commis de ministère, puis enfin ministre. Maintenant il était plus que ministre ; il était, sous le nom de Ferdinand, roi des Espagnes et des Indes. Cet homme était Calomarde. Ferdinand l’affectionnait. Des gens versés dans ces sortes de mystères nous ont affirmé que le favori avait dû sa haute faveur à je ne sais quelle bouffonnerie assez heureuse pour être trouvée du goût de sa majesté. Sa majesté goûtait fort cette spécialité délicate ; il est vrai qu’elle se piquait peu d’atticisme. Un général, célèbre aujourd’hui, a commencé sa fortune par un jurement, comme un grand dignitaire de l’université de France avait commencé la sienne par une obscénité. Heureux enfans des monarchies, toutes les carrières vous sont ouvertes !

Quoi qu’il en soit de l’anecdote, la faveur de Calomarde avait une base plus solide dans son aveugle dévouement aux intérêts, aux passions de la monarchie absolue. Appelé au ministère dès 1824, sous l’aile de l’invasion restauratrice, il n’avait signalé son administration que par d’énormes bévues. Calomarde est la personnification complète et comme le prototype du système qu’on pourrait appeler des étouffeurs politiques ; car il ne tend qu’à étouffer l’esprit, la science, les arts, l’espérance, le droit, tous les célestes flambeaux de l’humanité. C’est Calomarde qui ferma les universités ; on institua en revanche une école publique de tauromachie. Ce trait seul caractérise le système. Quant aux mesures gouvernementales, l’embuscade du bourreau de Grenade et le massacre des cinquante-trois martyrs en donnent, j’imagine, une suffisante idée.

Calomarde n’avait pu voir sans jalousie l’empire conquis par la reine Christine sur l’esprit de Ferdinand ; mais il n’avait pas osé le combattre, et il s’était associé à la mesure de la pragmatique sanction, jusque-là qu’il avait coopéré à la rédaction du testament qui assurait la régence à la jeune veuve, et nommait les membres de son conseil. Chose bizarre ! ces conseillers de régence étaient presque tous ennemis de Calomarde, et quelques-uns même, comme le marquis de Las Amarillas, tombés dans une disgrace qui équivalait presqu’à un exil. Le ministre avait signé lui-même sa propre mystification. Ferdinand vii, qui était un mau-