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nade. De là le surnom que lui a décerné l’Espagne de bourreau de Grenade, el verdugo de Granada.

Cette affreuse tuerie eut lieu au mois de décembre ; elle clôt dignement cette année de réaction et de meurtre. Elle la résume tout entière, elle la baptise : l’Espagne appellera 1831 l’année de Torrijos. Voilà ce qu’avait produit la défaite de Mina sur les Pyrénées ; la victoire de Llauder avait porté ses fruits. Est-ce que personne de ce côté des Pyrénées n’a senti rejaillir sur lui quelques gouttes du sang des martyrs ?

L’histoire d’Espagne, depuis 1830, est un va-et-vient perpétuel. 1831 avait appartenu aux constitutionnels, 1832 appartient aux apostoliques, c’est-à-dire que les intrigues de ces derniers remplissent cette année comme les conjurations des autres avaient rempli la précédente.

La guerre civile dévorait le Portugal ; il fut un instant question à Madrid d’intervenir en faveur de don Miguel. Cette velléité n’eut pas de suite, mais elle donne à connaître les dispositions de la cour d’Espagne à cette époque. Elle devait bien plus tard revenir à l’idée de l’intervention ; mais la roue alors avait tourné, et ce fut cette fois en faveur de don Pedro.

Mais que faisaient don Carlos et son parti ? Rassurés par les sanglans triomphes de Ferdinand, qui, en travaillant pour lui, travaillait aussi pour eux, puisque, divisés d’ailleurs, ils avaient un égal intérêt à la destruction de l’ennemi commun, les apostoliques reprirent du cœur, et ils pratiquèrent si habilement leurs mines, qu’ils furent au moment de rester maîtres du champ de bataille. Leur grande affaire désormais était la révocation de la pragmatique, qui éloignait du trône leur client. Ils manœuvrèrent si bien, que la pragmatique fut révoquée. Mais malheureusement pour eux, et heureusement pour l’Espagne, ce ne fut pas pour long-temps. Ce petit intermède politique est une véritable scène de comédie ; nul doute que le théâtre espagnol ne puise là quelque jour un de ses futurs chefs-d’œuvre. Pour cela, il n’aura qu’à copier l’histoire ; car le drame est tout fait par elle. Quand l’histoire se mêle d’en faire, elle les fait bons.

C’était au mois de septembre. La cour était à Saint-Ildefonse ; Ferdinand était mourant. Or, il y avait en ce temps-là en Espagne