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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

Léon une insurrection également avortée. Le général Quésada, qui commandait alors à Séville, réprima ces divers mouvemens ; bien qu’il fût là de son plein et libre consentement un instrument de tyrannie et de violence, on lui rend cette justice qu’il mit dans sa triste mission une mesure, une humanité même, que Llauder, son collègue d’Aragon, n’avait pas jugé prudent de mettre dans la sienne.

Toutes ces manifestations, quoique étouffées, épouvantèrent Ferdinand ; il eut peur, et la peur le rendit à ses penchans naturels ; il redevint féroce. Une commission militaire inexorable fut installée à Madrid ; les réactions furent atroces ; le règne de la terreur recommença. La dernière scène de cette sanglante tragédie fut la plus abominable. Le banni Torrijos était toujours à Gibraltar, il était là, l’œil fixé sur le sombre horizon d’Espagne, attentif à en surprendre les premières lueurs. Sa présence inquiétait, on résolut de s’en défaire. Le gouverneur de Malaga, Moreno, espèce de goule à face humaine, qui se vante d’avoir égorgé ou fait égorger plus de Français que Calvo dans le massacre de Valence, Moreno dressa l’embuscade où vint tomber la victime dévouée au couteau.

Comme on se sert de la chouette pour attirer les oiseaux au piège, Moreno se servit d’insinuations provocatrices pour attirer Torrijos en Espagne. On l’éblouit de l’espoir d’un soulèvement qui n’attendait pour éclater que sa présence ; on lui dit que l’Andalousie n’avait besoin que d’un chef pour courir aux armes et pour donner à l’Espagne le signal de la délivrance ; il le crut, l’entreprise fut résolue. Il s’embarqua avec cinquante-deux compagnons, dont l’un était Irlandais, et vint débarquer sur une plage déserte à quelques lieues de Malaga. L’affreux complot avait réussi.

À peine sur terre ferme, Torrijos s’aperçut qu’il était tombé dans un guet-à-pens ; mais il était trop tard pour reculer. Il erra quelques jours avec sa petite troupe dans les montagnes de Malaga, mais les mesures étaient trop bien prises pour qu’il put échapper ; il fut arrêté. On montre au voyageur sur la route de Coïn une ferme solitaire, l’Hacienda de la Alqueria, où, cerné de toutes parts, il fut fait prisonnier. Lui et ses cinquante-deux compagnons furent fusillés, et Moreno nommé capitaine-général du royaume de Gre-