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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

Il nous suffit de les indiquer. On sait quel fut le résultat de l’expédition de 1830 : une poignée de proscrits mal disciplinés, mal armés, se jeta dans les Pyrénées, comme ces bannis florentins du moyen-âge qui venaient frapper, les armes à la main, aux portes de leur ville ; on dirait une page arrachée à l’histoire des républiques italiennes. L’expédition fut malheureuse ; Valdès et Mina furent repoussés par Santos-Ladron, farouche absolutiste, qui alla se faire fusiller plus tard dans les rangs carlistes, et par Llauder, qui jugea plus prudent, lui, de se faire libéral. Llauder était alors capitaine-général d’Aragon ; il devait ce haut rang à ses aveugles complaisances pour Ferdinand vii. Il mit dans la poursuite de ce Mina, dont il devait être ensuite le collègue et le flatteur, un acharnement dont les habitans de la frontière ont gardé le souvenir. On dit même qu’il viola le territoire et que le partisan vaincu dut son salut à un montagnard français. Quelle gloire pour Llauder s’il avait pu ajouter à son écusson de fraîche date la tête de Mina à côté de la tête de Lacy, le tout couronné du chapeau de la grandesse ! Cette double gloire lui fut refusée. Il fallut se contenter de son premier exploit de Catalogne et de la simple couronne de marquis[1].

Telle fut la fin de cette année ouverte sous de si beaux auspices. Pendant ce tumulte, la reine était accouchée, le 10 octobre, d’une fille. Ainsi, en même temps que la cause constitutionnelle était battue sur la frontière, elle triomphait dans la capitale, puisque la naissance de cette fille, en faisant déployer au parti carliste le drapeau de la rébellion, devait forcer bientôt la reine à chercher

  1. Don Louis de Lacy, général espagnol, issu d’une famille irlandaise, au service d’Espagne, fit avec gloire la guerre de l’indépendance. Au retour de Ferdinand, il était capitaine-général de Galice. Son attachement à la constitution pour laquelle il avait combattu et à laquelle Ferdinand devait son trône, le fit destituer par le roi parjure et reléguer dans une petite ville du royaume de Valence. Il essaya de relever, en Catalogne, l’étendard foulé de la constitution ; mais les âmes étaient terrifiées, il échoua. Le général Castaños commandait alors à Barcelone ; il voulait sauver Lacy, et c’est pour lui laisser les moyens de s’échapper qu’il envoya contre lui Llauder ; Llauder était le protégé de Lacy ; il lui devait son premier avancement ; mais, loin d’entrer dans les vues du général, il arrêta en personne son protecteur. On l’accuse même d’avoir poussé l’ingratitude