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poir, car alors on pouvait espérer : depuis, cela n’a plus été permis ; l’espérance a pris place au rang des crimes ; elle a son article au Code pénal. On apprit à Madrid que les réfugiés, formés en comités révolutionnaires à Londres et à Paris, se disposaient à tenter un coup hardi et à passer la frontière. Le gouvernement espagnol, sorti de ses incertitudes par un sentiment naturel de conservation, adressa de vives réclamations aux deux cabinets de Saint-James et du Palais-Royal. Le premier y fit droit ; il lui suffit, pour couper court aux préparatifs, de suspendre quelques-unes des dispositions de l’alien-bill. Le Palais-Royal laissa faire. Il encouragea même les émigrés, il leur avança des fonds ; plus tard, et quand ils se furent compromis, il les abandonna et renia l’entreprise.

C’est là une des pages de la vie de M. Guizot qu’il aura le plus de peine à justifier. Comme homme d’état, il a manqué de coup d’œil ; il a cru impossible ce qui était devenu nécessaire, et il a eu l’humiliation, car c’en est une, de voir le mouvement entravé par lui triompher de toutes ses entraves. L’évènement a déjoué ses calculs, démenti toutes ses prévisions ; or, nous ne sachions pas qu’un homme d’état puisse recevoir un affront plus sanglant. L’erreur fondamentale de M. Guizot, et là-dessus nous rapportons d’Espagne des données exactes, son erreur a été celle-ci : il n’a pas cru que le parti proscrit eût des chances de retour ni qu’il pût jamais reconquérir une position politique, et aujourd’hui ces hommes, et M. Mendizabal à leur tête, ces mêmes hommes en qui on n’a pas eu foi, qu’on a abandonnés, ils sont tous aux affaires ; on a refusé de traiter avec eux de patron à client, et l’on traite maintenant de puissance à puissance. Nous le répétons, c’est là une grande leçon d’humilité infligée par la Providence à l’orgueil de l’incrédulité, à l’enivrement des courts triomphes. Il est vrai de dire que la Providence sembla se ranger d’abord du côté de M. Guizot, mais la Providence a plusieurs voies pour arriver à ses fins, et quand elle a résolu une chose, tôt ou tard les décrets s’accomplissent. L’histoire contemporaine de l’Espagne en est un exemple mémorable.

Il ne peut entrer dans notre plan de suivre les diverses opérations militaires dont la Péninsule a été le théâtre depuis cinq ans.