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L’ESPAGNE DEPUIS FERDINAND VII.

contre sa propre famille, jusqu’à lui faire proscrire ses héritiers légitimes. Tous ces murmures, toutes ces rumeurs se perdirent dans la grande rumeur de la révolution de juillet. Elle coupa court, au moins pour un temps, aux intrigues des cloîtres, et, disons-le aussi, aux espérances du parti contraire. Ce fut un temps d’arrêt qui devait être suivi d’un pas de géant. Les tireurs ne rompent souvent d’une semelle que pour se fendre à outrance. Les révolutions ont leurs feintes comme les tireurs.

Ici la scène change, le drame se complique, un nouvel acte va commencer. Si nous avons donné au premier un aussi long développement, c’est qu’il forme l’exposition générale et qu’il est la clé des autres. La pragmatique de 1830 n’a pas seulement un intérêt de circonstance, c’est une des phases importantes de la monarchie espagnole ; elle marquera dans l’histoire de la Péninsule, puisqu’elle est, nous ne dirons pas la cause, mais l’occasion d’une révolution, sinon encore radicale, du moins bien près de l’être, dans la forme et le principe du gouvernement. Non, ce n’est point la pragmatique de Ferdinand qui intronise la démocratie espagnole ; la démocratie espagnole s’est intronisée elle-même à Séville, de son plein droit, en 1808 ; mais, après avoir sauvé l’Espagne de l’éternelle humiliation de la conquête, elle avait été chassée de l’empire, elle était allée expier son noble crime dans l’exil et dans les présides. 1820 fut un orage que la violence conjura au profit du parjure. 1830 a ramené par degrés la démocratie au pied du trône. La question est de savoir maintenant si elle y remontera.

La nouvelle de l’insurrection parisienne produisit à Madrid l’émotion qu’elle produisit dans toute l’Europe. Le roi Ferdinand en conçut de vives et légitimes alarmes, car les exilés de Cherbourg le touchaient de bien près, et comme parens et comme restaurateurs de sa couronne. Le principe de son existence périssait dans leur naufrage, et l’on ne pouvait savoir alors où s’arrêterait ce flot si inopinément soulevé. La cour flottait irrésolue de conseil en conseil, sans oser s’arrêter à aucun ; enfin, les évènemens vinrent à son aide et la tirèrent de ses perplexités.

Au moment où la révolution éclata, la France et l’Angleterre étaient peuplées de proscrits espagnols, douloureux débris des catastrophes antérieures ; le mouvement de Paris leur rendit l’es-