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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

Je veux citer un dernier trait de M. Thiers. Le 30 juin, le ministère annonçait dans le Moniteur qu’une dépêche d’Alger, qui aurait dû arriver en même temps que celle du 19, n’était parvenue à Paris que par le courrier du 29. M. Thiers, qui n’entendait pas raison en ce temps-là sur les dépêches cachées et retardées à dessein, entre aussitôt dans sa fureur ordinaire. — « Il faut tenir bien peu à la considération et se moquer bien hardiment du pays, pour publier une explication pareille ! s’écria-t-il. Cette explication doit inspirer beaucoup d’estime pour le ministère, et la France doit être bien honorée et bien satisfaite d’être gouvernée par des hommes d’état aussi francs ! Le retard de cette publication rend le ministère coupable, ou de négligence, ou de mensonge… Il n’est pas permis de laisser la France sans savoir ce qui est arrivé à son armée… Si le ministère avait reçu des nouvelles, qu’il songe à la grave responsabilité qu’il encourrait en les cachant.» — Que disent de cette diatribe les collègues actuels de M. Thiers ?

Ce qui me frappe dans l’esprit de la polémique de M. Thiers, c’est le ton de la menace qui y domine. Du jour où le nom de M. de Polignac a été prononcé, M. Thiers ne s’est pas contenté, comme ses collègues de la presse, de jeter un long cri d’alarme ; dès ce jour, il a provoqué la résistance du pays ; il a dénoncé le ministère qui était à peine formé, il l’a mis hors la loi ; tous les actes de ce ministère ont été couverts de ses malédictions ; il ne lui a même pas pardonné le peu de gloire qu’il a donnée à la France, et il l’a confondue avec tous les maux que ce fatal ministère a causés ; et quand ce ministère, comme pour échapper aux foudroyantes menaces de la presse, qui l’assaillaient chaque matin, se condamnait à une inertie profonde ; quand il essaya de se soustraire, par un repos absolu, aux poursuites de ses ennemis, M. Thiers le poursuivit encore, le provoqua de nouveau, le railla de sa faiblesse, le défia de réaliser ses projets, supposés ou réels ; il l’accusa de reculer lâchement devant sa tâche, et somma presque le pays de se soulever contre ces ministres criminels de ne rien faire, et coupables de ne pas vouloir accomplir les prophéties prononcées à leur avènement. Je ne sais, mais les provocations inouies du National contribuèrent peut-être à exaspérer le parti qui a fini par donner complètement raison à M. Thiers. Sans doute, on conspi-