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l’état le plus formidable, fortifiez Lyon et Paris, les deux points essentiels de la France dans une guerre ! Employez vos millions comme vous l’entendrez, mais gardez-vous d’Alger surtout. Serez-vous plus heureux que Charles-Quint qui y perdit une armée et une flotte ; que Buckingham, que Blake, qui y vainquirent sans fruit ; que Duquesne qui dut le laisser après un chétif bombardement, ou que lord Exmouth qui a réussi à abaisser le pavillon barbaresque, mais qui a appris aux Algériens à défendre et à fortifier le point par lequel il avait serré leur ville ? Enfin, après une suite de prophéties effrayantes, M. Thiers prononce sur le sort de l’expédition ; si elle ne périt pas dans l’attaque, elle n’échappera pas aux dangers du retour ; conclusion terrible fondée sur un mois d’études et de travaux. Vous savez le reste. La flotte mit à la voile malgré M. Thiers ; nos soldats ne lurent pas ses articles et s’emparèrent d’Alger où ils se maintinrent malgré ses décourageantes prédictions, prédictions coupables, en ce que M. Thiers annonçait après l’embarquement de nos troupes et leur départ, c’est-à-dire quand tout retour était impossible, que l’Angleterre allait s’opposer à l’expédition, et que la Russie prenait parti contre nous dans la Méditerranée. Enfin, il fallut bien se rendre, et M. Thiers répondit au bruit du canon qui lui annonçait la prise d’Alger, par un article où il établissait que cette victoire n’était que le commencement d’un long désastre ! Hélas ! pourquoi M. Thiers n’a-t-il pas été aussi persévérant dans toutes ses opinions ?

La presse a été une arme bien meurtrière en ses mains, mais il en a frappé un ministère qui nourrissait des pensées coupables. Qui voudrait le désapprouver ? Loin de moi la pensée de blâmer M. Thiers de la vigueur de son opposition ; mais au moins qu’on ne nous dise plus, comme M. Thiers l’a dit à la tribune, que l’opposition du National était une opposition modérée, un modèle de discussion politique, où la raison, l’équité et les convenances étaient toujours observées, quand, au contraire, cette polémique était exclusive, absolue, violente et grossière souvent ; quand, dans sa haine, elle ne craignait pas d’effrayer le pays, de jeter le découragement au cœur de l’armée, d’inquiéter et de désoler les familles ; quand la passion l’aveuglait au point de méconnaître et de nier les faits les plus avérés, et quand, obéissant à des ré-