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HOMMES D’ÉTAT DE LA FRANCE.

pas sans puissance dans le Constitutionnel, tenaient avant tout aux principes. Les principes l’emportèrent donc sur les sentimens, et Manuel ne fut pas élu !

Vivant avec ces hommes et voyant ces choses, M. Thiers se mit à travailler avec ardeur à cette histoire de la révolution que vous avez lue plusieurs fois sans doute, monsieur. M. Mignet, son ami, commença une histoire de la révolution en même temps que M. Thiers. Chaque soir, ils se communiquaient leur travail. Celui de M. Thiers devint immense. M. Mignet, esprit philosophique et droit, se hâtait de chercher la fin des évènemens, afin d’en expliquer les causes et d’en déduire une théorie qu’il trouvait toujours avec sagacité. M. Mignet a fait en quelque sorte l’histoire des motifs de la révolution française, et ces motifs il les a demandés aux grandes catastrophes qui ont précédé celle qu’il traçait. Un fait, pour lui, n’est jamais que le père d’un autre fait. On croit quelquefois lire cette longue généalogie qui sert comme de préface et d’introduction aux saints évangiles où les générations successives, depuis Abraham jusqu’à Joseph, ne sont mentionnées qu’en vue de faire savoir qu’elles ont produit le Christ, c’est-à-dire l’évènement qui a sauvé le monde. L’histoire de M. Mignet est le résultat d’une grande et haute pensée. Dans son respect pour l’humanité, M. Mignet n’a pas voulu qu’il fut dit que le hasard avait présidé à cette étrange distribution de crimes et de vertus ; que le désordre des idées et le déplacement des rangs avaient produit ces bizarres alternatives d’héroïsme et de lâcheté, ces excès de grandeur et de mesquinerie, ces pauvretés honorables et ces fortunes scandaleuses, tout ce mélange de choses grandes et basses, bouffonnes et sublimes, ces exemples de frénésie et d’abnégation, ces succès imprévus, ces inexplicables déroutes, ce néant affreux d’où sort une gloire si immense, ce long évènement enfin qui semble toujours marcher à pas de géant, et en même temps revenir sans cesse sur lui-même, qu’on nomme la révolution. Cette pensée qui dominait M. Mignet a abrégé sa tâche, tant il se sent pressé de dire son dernier mot, et de placer la lumière au sommet de son édifice. Dans un tel ordre d’idées, les évènemens sont à peine quelque chose, et les hommes ne sont rien. Aussi M. Mignet ne s’arrête pas long-temps à tracer des caractères, à narrer des