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HISTOIRE LITTÉRAIRE.

geons ceux de nos lecteurs qui ont des heures à perdre à feuilleter ce livre. La lecture en est çà et là singulièrement amusante. On y voit François Phébus de Béarn, ce prince en bavette dont le règne fut si court et la fin si mystérieuse, amoureux de la belle Corisande de Mauléon, empoisonné par l’écuyer du terrible comte de Lérin, connétable de Navarre et mari de Corisande. Cette jeune vierge est une comtesse comme on n’en voit guère ; toujours en course sur les montagnes, elle va consulter seule, la nuit, un ermite comme on n’en voit pas. En revanche, l’écuyer Bermudez est un traître comme on en rencontre par douzaines chaque soir à la Porte-Saint-Martin ou à la Gaieté ! Quant au connétable, il nous est impossible d’en rien dire, il faut lire tout le roman pour en avoir une vague et confuse idée. Cependant la manière dont il devient amoureux de Corisande mérite, selon nous, d’être citée. C’est à une grande chasse. Après bien des fatigues, les piqueurs ont réduit le cerf aux abois ; les chasseurs, déjà triomphans, poussent le joyeux hallali ; la jeune fille ordonne aux piqueurs, à regret obéissans, d’ouvrir une issue par où le cerf s’enfuit. L’impétueux connétable, qui aime passionnément la chasse, et qui est vieux, grondeur et impérieux, n’y tient plus ; il devient extraordinairement amoureux de Corisande.

Cette Corisande est du reste, à quinze ans, le modèle accompli de toutes les vertus. Elle aime Phébus, et elle épouse le connétable pour faire plaisir à sa sœur. Et quand le prince François, qui est blond et qui a des cheveux gracieusement bouclés, lui offre à genoux tout son amour, elle lui tient un langage tout-à-fait rationnel et bien au-dessus de son âge. Elle lui dit nettement : « Prince ! prince ! vous êtes un insensé ! — Ainsi, tout est fini, s’écrie Phébus, toutes les fleurs de la vie sont fauchées pour moi ! — Oui, dit la jeune vierge, notre jeunesse sera un long hiver. — Et croyez-vous, Corisande, que mon cœur puisse se glacer ? » etc., etc.…

Nous ne dirons rien de plus de ce livre, sinon que nous avons quelque raison de croire que l’auteur appartient à l’opinion légitimiste, et que son but, en le publiant, a été surtout de consoler d’augustes infortunes. C’est là ce qui explique son enthousiasme pour la patrie de Henri iv et son admiration exaltée pour François Phébus, ce jeune blondin si fade et si insignifiant dans l’histoire, mais néanmoins très légitime héritier de la couronne de Navarre. Nous respectons toutes les opinions sincères loyalement professées, même lorsqu’elles s’éloignent le plus de notre religion politique ; mais, en vérité, il nous est impossible de ne pas rappeler à l’auteur qu’en littérature l’intention est bien