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REVUE DES DEUX MONDES.


« … Ceux qui étaient dans la cité virent ce fier et joyeux enthousiasme que versa alors toute la population dans ces rues hérissées de pavés, où osaient alors se montrer les épaulettes d’or des généraux oubliés la veille. On ne leur demanda pas l’heure où ils étaient sortis ; on ne s’enquit pas s’ils avaient combattu ; on eut un sentiment unanime de joie indistincte pour tout ce qui vivait et qui voyait ce soleil si beau. Un moment on comprit Dieu, centre de tout l’univers, et sentant par tous les organes de tout être ; un moment toute cette multitude de huit cent mille hommes n’eut qu’une ame qui sentait : le peuple vécut. Tout cela n’est plus, mais tout cela fut ainsi un jour, un jour où tout le monde s’aborda comme frère, et se crut des droits aux sentimens de chacun. Qu’importaient à ce moment, il faut le dire, les douleurs partielles des vainqueurs et des vaincus, l’héroïsme de ceux-ci et de ceux-là ; plus tard on pleura sur la défaite, et peut-être aussi sur la victoire. À ce moment, il y eut un sens universel et unique qui domina de sa joie toutes les douleurs là où elles auraient pu se ressentir, comme serait celui d’un homme qui vient de briser ses fers, et qui ne sent pas, au soleil et à l’air qu’il salue de sa liberté, quelques meurtrissures qui ont déchiré ses membres. »


Nous regrettons que ce morceau soit accessoire, étranger à l’action et purement lyrique dans l’ouvrage de M. Soulié. Nous aimerions voir cet écrivain jeter, dans un roman héroïque, la vie de deux amans au milieu des saintes émotions de la patrie, à travers nos dernières luttes pour la liberté.

Corisande de Mauléon, par l’auteur de Natalie[1].

Le Journal de Paris, dans un de ses feuilletons impérieux comme une ordonnance royale, a commandé à ses abonnés beaucoup d’admiration pour ce livre. Selon le digne journal, « il y a un puissant intérêt dans ce roman, qui est écrit d’un bout à l’autre avec cette supériorité de style dont l’auteur a déjà donné tant de preuves. » Nous avons lu ce chef-d’œuvre, et nous avouons qu’il nous a peu intéressés. C’est une longue pastorale mélodramatique, dont la scène se passe tantôt en Béarn, tantôt en Navarre, du temps de Louis xi. En deux mots, le plan nous en a paru absurde, les caractères nuls, la couleur historique absente, le style fade, prétentieux et froid.

Et malgré tout cela, ou pour mieux dire à cause de cela, nous enga-

  1. vol. in-8o, librairie de Gustave Barba, rue Mazarine, 34.