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HISTOIRE LITTÉRAIRE.

prit de la restauration pour qu’il soit permis, sans trop de scandale, de donner une nouvelle édition des éloges de convention décernés si long-temps aux principes de cette sage époque et aux vertus de l’illustre auteur de la Charte ? J’ignore si les sentimens de gratitude envers l’invasion étrangère, qui occupent une si notable place dans la première partie, peuvent paraître encore aujourd’hui à quelques-uns de bon aloi ; mais ce dont je suis bien assuré, c’est que tout ce qu’on y rencontre de relatif à la droiture et à la solidité du système de 1814 est suffisamment démenti par l’évènement qui forme le complément de la dernière. La narration, au lieu d’aboutir, comme l’introduction en affichait trop le hardi pronostic, à une ère de paix et de sécurité, se rompt tout au contraire à l’improviste, par un choc effroyable : le courant, suivant des espérances prématurées, devait venir se fondre dans les eaux paisibles et limpides d’un beau lac, et voici qu’il s’engloutit tout à coup dans un gouffre. « Catastrophe que j’aurais voulu conjurer ! » s’écrie l’historien désappointé (tom. iv, pag. 2). — « Catastrophe que ton métier était de pressentir ! » lui répond le public. Le public, en cette affaire, a, ce me semble, raison, et, pour toute critique, je trouve suffisant de dire comme lui.


Occident et Orient. Études politiques, morales, religieuses, pendant les années 1833-1834 de l’ère chrétienne, 1249-1250 de l’hégire, par E. Barrault[1].

Cet ouvrage a la prétention d’être sérieux. L’auteur le déclare en son avant-propos : il a entendu faire, non un récit de voyage, non une vue pittoresque de l’Orient, mais un livre de philosophie et de politique, où les questions d’équilibre européen, d’avenir social et religieux, en tant qu’elles se rattachent à l’Orient, seront mûrement examinées. Un si grave dessein est tel qu’on pouvait l’attendre du caractère officiel de M. Barrault. Que si d’ailleurs, dans la forme de son livre, la méditation semble peu austère ; si l’on y sent trop la fantaisie et la recherche du pittoresque, c’est qu’en l’écrivant (chose pardonnable), M. Barrault a songé à ses admirateurs.

L’Orient ! la question est flagrante et tient l’Europe soucieuse et attentive. Le royaume de Grèce, l’Égypte, subsisteront-ils indépendans ? Et la Turquie surtout, que deviendra-t-elle ? Souffrirons-nous que les Dardanelles et Constantinople soient, dans l’empire russe, un fleuve

  1. Librairie de Pougin, quai des Augustins.