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HISTOIRE LITTÉRAIRE.

M. Michelet avait plus que personne les qualités nécessaires pour faire admirablement ce portrait de Luther, étudié dans sa vie intime, dans sa vie religieuse, dans sa vie de famille. Une ardente imagination, un sentiment vif et profond des plus hautes questions philosophiques étaient indispensables pour cette œuvre, et l’on sait à quel point ces facultés sont portées chez M. Michelet. Dans ses extraits choisis et présentés avec un art infini, nous avons trouvé Luther tel que nous nous le représentions vaguement. C’est le plus catholique des protestans ; c’est la nature la plus enthousiaste, la plus mystique, et la plus réelle en même temps ; le cœur le plus orgueilleux, le plus vain, et devant Dieu le plus modeste ; un saint et un révolutionnaire ; l’homme des temps modernes qui ressemble le plus aux apôtres et aux martyrs des premiers siècles, tout en foudroyant ce qu’ils avaient élevé. Ce livre intéresse comme un roman. Si nous avions quelque chose à reprocher à M. Michelet, ce serait d’avoir visé un peu trop à l’effet, en jetant comme à dessein dans tout son récit un négligé et un décousu perpétuel. L’anecdote plaît sans doute, mais l’esprit voudrait se reposer dans quelque chapitre substantiel, et saisir quelque part le lien philosophique et historique de tout ce caractère et de toute cette vie qu’on fait scintiller à ses yeux par tant de petites faces différentes. Ce lien manque, il faut en convenir. M. Michelet ne s’est donné la peine ni de résumer la nature morale de Luther, ni de résumer sa théologie, ni de chercher dans les antécédens l’origine de cette théologie augustinienne qui devint la base de la réforme, ni de montrer comment une semblable doctrine, destructive de toute liberté morale dans l’homme, se lia à la plus audacieuse revendication de la liberté religieuse et politique. Mais il faut se rappeler que M. Michelet a promis une Introduction où ce qui manque ici se trouvera sans doute, et dont l’unité se réfléchira sur les deux volumes publiés aujourd’hui.


Histoire de la destruction du paganisme en occident, par Beugnot, de l’Institut de France[1].

L’histoire de la chute du paganisme n’avait point encore été faite. On en rencontrait les élémens épars dans les livres des auteurs païens et chrétiens des premiers siècles de l’église, dans les monumens en ruine, les médailles à moitié rongées par la rouille, les inscriptions brisées, ef-

  1. vol. in-8o, librairie de Firmin Didot, rue Jacob.