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récits de M. de Hammer acquièrent une sorte d’intérêt d’actualité qui rehausse encore l’intérêt historique qui est leur apanage. Quelques détails sur les antiquités ottomanes, puisés dans les premiers volumes de cette histoire, ne seront donc point jugés ici hors de propos. Nous nous contenterons de montrer dans ce premier article cette puissance asiatique dans son germe sauvage. Plus tard, nous la verrons se déployer hors de son embryon et étaler toutes ses splendeurs, mais toujours empreinte de ce caractère dur et ambitieux, signe dominant de son enfance.

Les Turcs, desquels les Ottomans ne sont qu’une faible dérivation, sont une race très ancienne et très considérable. Le Targitaos d’Hérodote, ou Togharma de Moïse, est vraisemblablement sa souche la plus lointaine. Elle occupait les steppes immenses qui s’étendent dans le centre de l’Asie, sur une surface presque décuple de celle de la France, de l’est à l’ouest, entre le lac Aral et la Chine, et, du sud au nord, entre le Thibet et la Sibérie. Peuples nomades, célèbres par leurs incursions et leurs rapines, les anciens Perses les désignaient sous le nom de Touran, les Chinois sous celui de Tuku, ou sous celui plus ancien de Hounnious. Ce sont ces Scythes Tourgious ou Amourgious qui furent en guerre avec Cyrus. Oghouz-Khan, fils de Kara-Khan, est le prince à qui l’on doit rapporter les commencemens de la nation turque, à peu près comme les Juifs et les Arabes se rapportent à Abraham. Ces deux patriarches paraissent aussi appartenir au même temps. Oghouz, ayant quitté l’idolâtrie pour un culte nouveau, entra en révolte contre son père, le défit les armes à la main, et devint roi, par cette victoire parricide, de tout le pays compris entre Artelas et Boukhara. Sa résidence était à Yassy. Il eut six fils, Boun-Khan (le khan du jour), Aï-Khan (le khan de la lune), Ildiz-Khan (le khan de l’étoile), Goek-Khan (le khan du ciel), Tagh-Khan (le khan de la montagne), et Deniz-Khan (le khan de la mer). Les trois premiers, connus sous le nom de Outschok (les trois flèches), avaient le commandement de l’aile gauche de son armée ; les trois autres, nommés Bozouk (les destructeurs) avaient celui de l’aile droite. Après la mort de leur père, les premiers devinrent chefs des tribus turques de l’est, les seconds de celles de l’ouest.

La route des destructeurs est vers l’ouest. Ils s’éloignent peu à peu de leurs steppes natales, dépassent le Sihoun et le Djihoun, gagnent l’Asie-Mineure, la Grèce, le Bosphore, et s’étendent enfin jusque sur le Danube. Les plus célèbres tiges de ces conquérans asiatiques, les Oghouzes, les Seldjoukides et les Ottomans, descendent respectivement du khan de la montagne, du khan de la mer, et du khan du ciel.