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HISTOIRE LITTÉRAIRE.

d’un art si nouveau pour lui. Il fallait que le critique se fît artiste lui-même dans ses jugemens, pour se faire écouter et croire. De là la nécessité d’une forme toute nouvelle. De tels morceaux sont plutôt des articles originaux inspirés à l’occasion d’un livre, et doués par eux-mêmes de vie et de spontanéité, que le compte-rendu d’un ouvrage. Assurément nul recueil n’a présenté aussi souvent que le nôtre cette alliance de la critique et de l’art.

Mais, dans notre plan, les ouvrages qui ont droit à un pareil examen sont en fort petit nombre, et désignés pour ainsi dire d’avance par une grande notabilité littéraire. Or, il paraît chaque année des livres très remarquables qui, sans avoir l’à-propos ou l’éclat (durable ou éphémère) de certaines productions de la littérature et du théâtre, ont cependant le droit incontestable d’être connus et appréciés. Nous regrettons de ne pas nous en être occupés jusqu’ici d’une manière assez suivie.

C’est pour remplir cette lacune que nous commençons aujourd’hui ce Bulletin, sorte de supplément aux articles de critique qui ont leur place déjà assignée dans notre recueil. Ce sera, si l’on veut, une amende honorable faite à l’ancienne méthode des Revues ; le genre proscrit reparaîtra, mais seulement comme un complément utile de la forme actuelle. De cette façon, les ouvrages véritablement importans seront toujours signalés à nos lecteurs ; car s’ils n’entrent pas, par leur objet, dans une de nos séries déjà constituées, ils trouveront place dans la nouvelle série spéciale que nous leur ouvrons. Ce Bulletin en effet ne se bornera pas aux ouvrages littéraires : l’histoire, la politique, la philosophie, les sciences, en fourniront la matière, et jusqu’aux livres de pure érudition pourront y obtenir l’honorable mention que méritent des travaux utiles et consciencieux. Nous avons calculé, et ce calcul est aisé à faire, que quatre Bulletins par année suffiraient à l’annonce des livres qui, à des titres divers, méritent d’être signalés au public.

Quant aux principes qui nous dirigeront dans cet examen, nous jugeons inutile de nous en expliquer. Avant tout, nous ferons nos efforts pour présenter des aperçus nets sur le contenu des livres que nous passerons en revue. Certes, nous n’entendons pas nous priver du droit qu’a la critique de faire bonne justice des mensonges, des erreurs et des ridicules ; cependant nous déclarons d’avance que nous n’attachons pas toute importance à cette attribution. Il est un autre rôle que nous préférerions, s’il nous fallait choisir : la fonction de nouvellistes, comme on disait au xviie siècle, nous irait mieux que celle de ces jugeurs par métier et par nature, sorte de Perrin Dandin du monde littéraire ; et s’il nous fallait aussi opter entre les deux parts de la justice