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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

à la Belgique et à la rive gauche du Rhin ; car la paix était alors le besoin le plus universellement senti ; et acheter la paix au prix de ses conquêtes, n’est point l’acheter aux dépens de l’honneur. La France n’avait donc à défendre à Vienne que les intérêts permanens de l’Europe ; si ces intérêts avaient été bien compris dès l’origine, si l’on ne s’était pas trouvé dans l’une de ces époques de transition où les pensées fécondes avortent contre des vues éphémères, il n’eût vraisemblablement pas été impossible de faire oublier la faiblesse de Louis xv, comme Alexandre aspirait à effacer le crime de Catherine ; et, en restaurant la Pologne, on pouvait, ce semble, régler d’une manière plus avantageuse pour nous et pour elle-même l’état intérieur de l’Allemagne, on pouvait donner aux provinces rhénanes une organisation qui eût mis ce pays dans une étroite dépendance de la France ; il était facile enfin de constituer la Prusse d’une manière forte et compacte en la rendant moins offensive pour nous. C’est ainsi qu’on eût acheté son concours pour la Pologne, par l’abandon d’une question insignifiante, où la vanité du gouvernement français l’emporta certainement sur sa prévoyance politique.

L’Angleterre, ame de cette coalition qui triomphait après vingt années de défaites, et que plaçaient si haut dans l’esprit des peuples et ses innombrables sacrifices et sa courageuse obstination ; l’Angleterre, préoccupée du soin de compléter son système de domination maritime, pour lequel elle ne rencontra, du reste, nul obstacle, n’exerça pas sur les questions générales une influence proportionnée à l’importance de son rôle ; à l’exemple de la France, uniquement préoccupée de cette affaire de Saxe, transformée en question capitale, et des arrangemens favorables à la maison de Bourbon en Italie, la Grande-Bretagne eut aussi son idée fixe, fichée dans la tête de lord Castlereagh, l’élévation de la maison d’Orange, et l’établissement de ce royaume hybride des Pays-Bas, que le bruit lointain du canon de juillet suffit pour abattre.

Cet accouplement de deux peuples séparés par leurs intérêts moraux et matériels était, du reste, décidé en principe avant l’ouverture du congrès ; dès lors la France n’avait pas à tenter une opposition inutile, et la question des Pays-Bas ne formait pas pierre d’achoppement entre elle et l’Angleterre. Ces deux grands états conservaient donc toute liberté de s’entendre sur les autres questions continentales, au premier rang desquelles se présentait l’existence d’un royaume de Pologne indépendant.

Malheureusement celle-ci fut laissée, pendant tout le cours des négociations, dans un abandon complet par la France, et les représentations