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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

contrées qui en furent le berceau[1] ? Se préoccuper de l’extension de la Russie vers l’Orient plus que de la nécessité de faire reculer ses frontières occidentales, qui, en longeant la Moravie, menacent Vienne, et rejettent un tiers de la Prusse, de l’Oder à Memel, sur les derrières de l’empire russe ; attacher, par exemple, comme question européenne, plus d’importance à l’occupation de Constantinople qu’à la renaissance de Varsovie ; lutter pour empêcher un fleuve d’affluer à la mer, un oiseau voyageur de suivre le cours de sa migration, au lieu d’intervenir dans ce grand ébranlement pour redresser les vieux torts de notre faiblesse, et régler le système nouveau de l’Europe sur des bases conservatrices, en même temps que favorables à notre légitime influence ; c’est là, à notre avis, une aberration dont on peut croire que la réflexion fera justice avant l’expérience, cette tardive et inflexible conseillère des peuples.

La science de l’homme politique consiste à pressentir la nature en en

  1. En envisageant cette question sous le rapport commercial, il serait facile de démontrer que les transactions de la France dans le Levant ne sont pas aujourd’hui sur un pied assez avantageux pour qu’on dût appréhender un événement qui, en tout état de cause, ne saurait jamais aggraver notre position, et la modifierait vraisemblablement d’une manière heureuse.

    Si la balance fut en notre faveur dans les marchés du Levant jusqu’au milieu du xviiie siècle, elle commençait à flotter vers 1749, et depuis 1764, elle ne cessa plus d’être à notre détriment. On peut consulter à cet égard les savans ouvrages de MM. Félix de Beaujour et Moreau de Jonnès. Dans les dix années comprises entre 1780 et 1789, le terme moyen de l’excédant des importations sur les exportations fut de 13 millions. Cet état de choses s’empire chaque jour par suite de la dépopulation croissante des provinces de la Turquie d’Europe et d’Asie, et par la concurrence que les Anglais ont élevée contre presque tous nos articles d’exportation. Dans ce commerce, d’où la France se retire de plus en plus, la balance est en faveur de l’Angleterre de plus de 25 millions par an. Depuis 1816, la grande extension qu’a reçue le commerce américain a conduit les navires de l’Union dans les Échelles, et leurs relations y prennent chaque année une extension plus notable.

    On sait quels efforts fait, de son côté, l’Autriche, reconnue, depuis le traité de Campo-Formio, héritière de la puissance vénitienne, pour participer par les bouches du Cattaro et Trieste, à ces transactions qui lui présentent à la fois des avantages politiques et commerciaux. C’est ainsi que la France a vu s’élever chaque jour contre elle des concurrences qui l’ont à peu près désintéressée dans cette question.