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DES PARTIS ET DES ÉCOLES POLITIQUES.

geait à Constantinople, Nicée et Nicomédie ne furent pour Orchan, son successeur, que quelques étapes de plus vers le but du grand voyage. Andrinople, soumise par Amurah, devint bientôt la rivale musulmane de la capitale des Césars, dont le blocus fut formé des monts Hémus à Gallipoli et à la mer Noire. Ses princes, cependant, se plaisaient à trôner pour la dernière fois, et donnaient à un peuple énervé le spectacle de quelques mascarades impériales. Mais Mahomet ii frappait aux portes, il fallut quitter le cirque et l’école pour mourir ; et des brodequins de pourpre brodés d’un aigle, trouvés sous un monceau de morts, prouvèrent que le dernier des Constantins avait, au moins, payé sa dette à l’heure suprême.

Quand le sultan Mahmoud, enfermé dans ses beaux kiosks du Bosphore, découvre au loin le pavillon de la Russie, voguant sur cette mer Noire qu’elle s’est conquise, et dont elle aspire à sortir, la glorieuse histoire de sa race doit lui revenir en mémoire. Ce ne sont plus les Ottomans qui pressent la ville immense ; depuis un siècle l’investissement en est formé par les vengeurs des Paléologues. À partir surtout du traité de Kaïnardgik, qui, en préparant la conquête de la Crimée, révéla tout l’avenir, chaque année la ligne de circonvallation se resserre, et les apprêts deviennent plus formidables. Pendant qu’Oczakow tombe, que la Bessarabie est soumise, Odessa et Sébastopol s’élèvent ; la Perse est entamée, l’ennemi est en même temps sur l’Araxe et sur le Danube.

Les derniers empereurs grecs, dans leurs luttes de palais, réclamaient l’appui de ces princes, successeurs prochains d’un trône dont d’ignobles prétendans se disputaient les débris ; et voici que la rébellion d’un pacha a contraint le successeur des califes à mettre son sérail sous la protection de l’infidèle. Des frégates russes ont paradé devant ses palais, et Sultan-Mahmoud, entouré d’un brillant état-major, s’est donné le spectacle de leurs évolutions habiles. Il a perdu déjà la moitié de l’empire qu’il reçut puissant encore lorsqu’il ceignit le sabre à la mosquée d’Ejub ; le reste attend avec indifférence que la destinée s’accomplisse ; mais quelques articles secrets, signés avec le cabinet de Pétersbourg, lui assurent l’intervention empressée de l’empereur contre ses pachas ou contre son peuple. C’est là-dessus qu’il dort tranquille, c’est là qu’est désormais la dernière garantie de durée pour l’empire. Si vous tirez de ces faits les inductions qu’ils comportent, certains agens diplomatiques vous répondront que ces conséquences sont fausses, qu’il ne dépend que de la France et de l’Angleterre de rendre la vie à ce corps paralysé, de la confiance à ce peuple, qui fait transpor-