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REVUE. — CHRONIQUE.

HISTOIRE GÉNÉRALE DE LA CORSE, DEPUIS LES PREMIERS TEMPS JUSQU’À NOS JOURS, PAR JACOB[1].

La Corse ne fait point partie du vrai territoire français, et c’est là pour elle un vice fondamental d’origine : elle en est entièrement disjointe, non-seulement par la distance, comme le serait une principauté du centre de l’Allemagne, mais par une mer capricieuse, souvent difficile, de près de cent lieues de largeur. Ce n’est point un terrain sans liaisons décidées et pouvant se rattacher indifféremment au corps de la France ou à tout autre ; et c’est au mépris de la géographie naturelle que la géographie politique nous l’attribue. Elle s’ouvre sur l’Italie, elle côtoie l’Italie, elle est terre italienne au même titre que l’île d’Elbe, que la Sardaigne, ou même la Sicile. Elle ne connaît le continent que par les cimes de l’Apennin, qui forme son horizon : du côté de la France, son regard se perd sur les déserts de la mer, et elle ne saurait distinguer ni port ni rivage.

Son peuple n’a point eu comme nous pour berceau les sauvages forêts de la Gaule. Est-il phénicien, étrusque, pélasgique ? Quelle est au juste son origine ? On l’ignore ; mais il n’est point celtique. Il est à part de nous ; il a sa généalogie, son histoire, ses habitudes ; il parle la langue des populations italiques. Mille colonies sont venues se fondre dans son sein, mais jamais les Francs, cette virile moitié de nos ancêtres de laquelle nous avons pris notre nom, ne sont venus lui infuser le tribut de leur sang. La Corse a été le partage des conquérans qui ont couru sur l’Italie et l’Afrique.

Cette île ne nous est donc inhérente par aucun de ces deux ordres d’affinité qui constituent la connexité intime des nations ; savoir, ni par le voisinage géographique, ni par la parenté. Elle ne nous appartient que par droit d’alliance, et nos frontières du Rhin, qu’on nous refuse, sont à nous par un droit bien plus naturel et plus fondé. Mais quel est donc l’intérêt de la France à cette possession placée en dehors de sa frontière, habitée par un peuple qu’elle ne connaît pas ? La richesse du pays en ferait-elle pour nous une ferme de bon rapport comme celles des Anglais ou des Hollandais dans les Indes ? Mais de toutes nos provinces, la Corse est la plus pauvre, la moins peuplée, la moins commerçante, la plus stérile. Nous dépensons chaque année pour

  1. vol. in-8o, librairie d’Aimé André.