Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/509

Cette page a été validée par deux contributeurs.
503
REVUE. — CHRONIQUE.

de réflexion et de demander un peu de délai à ceux qui le louent comme à ceux qui le blâment ; en un mot, à tous ceux qui le jugent. La vie passée de Mendizabal peut déjà donner quelques garanties pour l’avenir, et s’il ne parvenait à réaliser ses vues patriotiques, cette vie si honorable ne permettrait pas de douter de la pureté de ses intentions. Elle est peu connue, et nous en dirons quelques mots.

Don Juan Alvarez y Mendizabal est né à Cadix, en 1790. Ses parens, juifs de Gibraltar, avaient à Cadix un magasin de draps. Mendizabal fut employé d’abord dans l’administration militaire ; il était commissaire des guerres à la fin de la guerre de l’indépendance. À la paix de 1814, il fut employé dans la maison du banquier Beltran de Lis, dont il devint bientôt commis-associé, grâce à son zèle et à son intelligence. En cette qualité, il fut chargé de la fourniture des vivres de l’armée qui s’assemblait, en 1819, à l’île de Léon, pour passer en Amérique. Il est l’inventeur et fut l’ame de la révolution de 1820. C’est lui qui fit le mouvement de las cabezas de San Juan, et qui mit en avant le chef de bataillon Quiroga et le capitaine Riego. Après la restauration de 1823, il se retira en Angleterre, et fut chargé des intérêts de certains créanciers espagnols, pour lesquels il a gagné, il y a peu d’années, un grand procès, jugé à la cour du banc du roi contre Ferdinand vii et le consul Machado. À la révolution de 1830, il abandonna les affaires commerciales, et vint en France diriger le mouvement des émigrés espagnols. Nous le vîmes alors, dans les relations qu’il entretenait avec le comité de secours établi par quelques-uns de nos compatriotes, plein d’espoir et de patience à la fois, maîtriser le courage chancelant des siens, et ranimer la confiance qui s’éteignait quelquefois en nous. Tout ce qu’il possédait (400,000 francs environ), fut généreusement fourni par lui, pour l’expédition de novembre. On sait le sort de cette expédition. Sur un ordre du gouvernement français, les émigrés espagnols, répartis sur la frontière, reçurent l’ordre d’interner, et le petit nombre de ceux qui se hasardèrent à rester en Espagne, sans chefs, sans plan, sans direction, furent dispersés sans peine. Mendizabal, trompé, ruiné, retourna à Londres pour mettre ordre à ses affaires, mais là il fut emprisonné pour dettes. Son courage, sa patience, sa confiance imperturbable en l’avenir ne l’abandonnèrent pas. C’est à la Tour de Londres qu’il conçut et commença d’exécuter l’expédition de don Pedro en Portugal ! Il disait à ses amis qu’il voulait faire entrer, par le Portugal, la révolution en Espagne. Du fond de la Tour de Londres où il était retenu faute de pouvoir payer ses créanciers, il fréta les bâtimens de cette expédition, il rassembla et équipa les soldats, fit des emprunts,