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à leur situation un peu incertaine dans la chambre, et en un lieu où ils ont encore moins d’appui, dit-on. De ce lieu, on nous permettra de n’en pas parler, c’est une chose qui nous est interdite. À la chambre, où l’on fait aussi les ministres, où surtout on les défait, M. Guizot a bien pour lui, il est vrai, le soutien de son talent et de sa parole, l’appui des bancs qu’on nomme doctrinaires, et qui lui sont dévoués ; mais la partie du centre où siége, en toute innocence, M. Fulchiron, et où se groupent M. le général Bugeaud, M. Jacqueminot, M. Vigier, et une foule d’autres qui, à Grandvaux et en d’autres lieux, ont reconnu M. Thiers pour un garçon d’aimable et joyeuse humeur, et le tiennent pour le ministre qui convient le mieux à leurs allures, ceux-là, officiers de garde nationale, généraux, banquiers, fournisseurs, tous plus ou moins repoussés par le front sévère et les principes rigoureux de M. Guizot, se lèveraient en masse, comme ils l’ont déjà fait, pour retenir M. Thiers au ministère. Or, c’est ce qui effraie ses prudens collègues. D’ailleurs M. Thiers a saisi tous les avantages de cette position avec la finesse qui le caractérise. Il répète sans cesse à cette fraction qu’elle et lui représentent la révolution de juillet telle qu’elle doit être, les trois glorieuses journées où il n’était pas, l’émeute qui l’a conduit au pouvoir, mais l’émeute douce, pacifique ; l’insurrection, mais humble, soumise, et demandant grâce à genoux d’avoir été émeute et insurrection. En sa qualité de journaliste, M. Thiers représente aussi la presse, mais la presse muette, celle qui ne dit mot. La liberté siége également au pouvoir en sa personne, la liberté qui tient les clés du Mont-Saint-Michel, de Ham, de la Force et de Sainte-Pélagie ! C’est pourtant du haut de cette position politique que M. Thiers domine ses collègues et les force de plier, en apparence du moins, devant son pouvoir, devant sa popularité et son crédit !

Un livre est né de cette situation, livre qui ne déplaira pas certainement à M. Thiers, car M. Thiers l’a inspiré à son auteur, bien involontairement sans doute, du moins nous voulons le croire. Dans ce livre, dont nous avons pu nous procurer quelques fragmens, on ne trouvera que l’éloge de M. de Broglie et de M. Guizot. Mais quel éloge ! M. Thiers eût fait lui-même cet éloge de deux de ses plus chers amis politiques, qu’il ne l’eût pas fait d’une manière plus fatale pour eux. L’auteur de l’ouvrage que nous citons adresse à M. Guizot et à M. de Broglie, mais à M. Guizot surtout, les félicitations les plus sincères sur la marche que suit le gouvernement de juillet depuis un an. Le gouvernement, dit-il, semble avoir pris à tâche d’imiter la restauration dans ce qu’elle a fait de plus louable, dans sa ténacité à combattre les