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REVUE MUSICALE.

rait inventé le vaudeville, s’il ne l’eût trouvé florissant à sa naissance, pour se jeter aux pieds de Meyerbeer, d’un barbare Allemand qui a sucé le lait de la muse italienne ! L’Opéra-Comique dit adieu aux chrevrottemens de Mme Casimir pour avoir recours aux roulades élégantes et pures, au chant merveilleux de Mme Damoreau ! Que vont dire les académiciens de l’endroit en voyant leur théâtre favori dépouiller cette perruque nationale dont ils l’avaient affublé ? Ce n’est certes point pour composer des ariettes à la façon de Marsollier que Meyerbeer s’assied à son clavecin, ce n’est pas pour écrire des rondos et des vaudevilles que l’auteur d’Élisa et Claudio se met à l’œuvre. Pauvres vieillards, que de larmes vous allez répandre sur le sol natal dont l’étranger s’empare ! Combien vous allez déplorer amèrement les erreurs de votre patrie ! Il est vrai qu’à certains jours de la semaine, Mme Damoreau aura pitié de vous, et chantera, pour calmer vos ennuis, le rossignol, et la fauvette dans le bocage, et mille autres sornettes musicales qui vous ravissent tant. Ce que la volonté des directeurs n’a pas osé tenter, la nécessité le fait. Voilà maintenant l’Opéra-Comique dans les pleines eaux de l’école nouvelle.

La révolution qui a changé, il y a dix ans, les destinées du grand Opéra, se prépare aujourd’hui à l’Opéra-Comique, et, chose étrange ! c’est encore Mme Damoreau qui est à la tête de cette révolution. En effet, on se souvient qu’à l’époque où l’Académie Royale, conseillée par Rossini, abandonna pour toujours son système caduc de déclamation lyrique, Mme Damoreau, qui chantait le rôle de Chérubin dans le Mariage de Figaro de Mozart, quitta le Théâtre-Italien pour venir à l’Opéra. Aujourd’hui que l’Opéra n’a plus grand besoin d’elle, Mme Damoreau court à l’aide du pauvre Opéra-Comique, qui se débat dans son ornière et semble vouloir en sortir. Le talent de Mme Damoreau est révolutionnaire ; et à ce propos, il faut avouer que Meyerbeer est un homme bien heureux. Mme Damoreau quitte l’Opéra au milieu des répétitions de la Saint-Barthélemy, ouvrage de Meyerbeer, dans lequel elle avait un rôle, et ce rôle se trouve parfaitement convenir à Mlle Dorus qui la remplace. Autre fortune, Mme Damoreau va à l’Opéra-Comique, et il se trouve encore que Meyerbeer écrit, depuis trois mois, une partition pour l’Opéra-Comique. Le filet de Meyerbeer