Page:Revue des Deux Mondes - 1835 - tome 4.djvu/495

Cette page a été validée par deux contributeurs.
489
REVUE MUSICALE.

villageois. Il suffit d’entendre la Sonnambula pour se confirmer dans cette opinion, que Bellini aurait dû s’en tenir toujours à l’expression des sensations intimes et sincères, sans chercher, comme il l’a fait plus tard, dans des sujets héroïques, certains effets grandioses auxquels il n’était pas appelé. Son inspiration est éminemment élégiaque et tendre, et l’on a peine à le voir si souvent renoncer à ce don précieux des larmes qu’il tenait de la Muse. Bellini serait tôt ou tard revenu à ce genre gracieux et pur. Malheureusement il est mort à cet âge où la pensée effleure toute chose avant d’avoir trouvé où s’asseoir. Aussi son œuvre est incomplète. Ses partitions sont des fragmens que rien ne rassemble entre eux. Vous y chercheriez en vain cette succession d’effets, le développement d’un certain ordre d’idées qui frappe chez les hommes arrivés à la maturité du génie et qui marchent délibérément. L’auteur des Puritains est mort en essayant sa lyre ; nul doute, s’il eût vécu, qu’il ne fut revenu à cette corde harmonieuse et pure d’où se sont exhalées les fraîches cantilènes de la Sonnambula. Qui sait ? peut-être que la pastorale, telle que l’entendait le chantre merveilleux de la Molinara et de la Serva Padrona, aurait de nos jours plus de succès qu’on ne le croit. Pour la musique, comme pour la poésie, le temps des réactions est venu. On est las de ces trombonnes qui hurlent sans relâche dans tous les orchestres, las de ces caparaçons d’or au croupe des mules, de ces casques et de ces armures qui s’entrechoquent pêle-mêle dans des métaphores interminables. L’ame demande sa pâture, et ne la trouvant pas se révolte. Oh ! si Païsiello pouvait revenir avec sa phrase mélodieuse et languissante, si Pétrarque pouvait revenir avec ses vers amoureux et limpides, comme les couronnes tomberaient à leurs pieds, comme leur voix modeste ferait taire toutes ces voix emphatiques qui chantent si haut aujourd’hui !

En Italie comme en France, Bellini était le seul homme qui pût remettre en honneur ce genre, depuis long-temps abandonné. Là bas, Donizetti suivra jusqu’à la fin les sillons tracés par Rossini, où il a trouvé d’abord Anna Bolenna, et tout récemment Torquato Tasso, deux glorieux épis que le moissonneur de Pesaro avait oublié de cueillir. Et ici M. Auber est un musicien de trop d’esprit pour jamais satisfaire aux conditions de simplicité que ce